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dernière mise à jour le 5 juillet 2017

Expérience personnelle et recherches bibliographiques sur les douleurs chez la personne âgée en pratique gériatrique institutionnelle.

La bibliographie relative à cette page est située à la fin du texte dans l'ordre alphabétique des auteurs.

 

Types de douleurs

 

A. Composantes

La douleur est un phénomène complexe à plusieurs composantes (Capriz Ribière, 1999) :

1) une composante sensorielle (nociception), autrement qualifiée de sensori-discriminative,

Pour l'Agence Nationale d'Accréditation et d'Evaluation en Santé (ANAES, 1999), "la composante sensori-discriminative correspond aux mécanismes neurophysiologiques qui permettent le décodage de la qualité (brûlure, décharges électriques, torsion, etc.), de la durée (brève, continue, etc.), de l'intensité et de la localisation des messages nociceptifs."

Chez la personne âgée, la composante sensori-discriminative pourrait-elle être moindre ou au contraire amplifiée par rapport à l’adulte. Selon Gisèle Pickering (Pickering, 2009), trois aspects font actuellement l’objet d’études :

1.1 l’aspect temporel :

On observe un pic de douleurs chroniques entre 65 et 75 ans. Une explication en serait la diminution des seuils mécaniques. Au niveau périphérique cette situation relèverait d’une altération plus importante des fibres myélinisées dont on connaît le rôle inhibiteur sur la douleur (contrôle de porte au niveau médullaire). Au niveau central, selon Cole (Cole et al, 2008) l’âge pourrait s’accompagner d’un déclin fonctionnel des faisceaux inhibiteurs descendants qui sont moins stimulés du fait d’une intégration défectueuse de la douleur. Ceci pourrait expliquer, au moins en partie, l’hyperalgie secondaire et plus durable observée chez la personne âgée après un stimulus douloureux (Pickering, 2009). Autrement dit, le sujet âgé récupère moins vite d’une douleur chronique qu’un sujet plus jeune.

Toutefois, après 80 ans, la plainte douloureuse diminue sans qu’il soit possible d’en déterminer encore clairement les causes : moindre intégration du message douloureux au niveau cortical, diminution des neurotransmetteurs, modifications de  la substance blanche ?

1.2 l’aspect spatial :

On observe une difficulté à discriminer les zones algiques par atteinte des fibres A alpha, A beta et A delta alors que les fibres C seraient relativement épargnées, d’où des descriptions évocatrices de la stimulation des ces dernières fibres. On constate souvent un « silence douloureux » des pathologies viscérales : angor, infarctus du myocarde, cholécystite, appendicite … Situation mal éclaircie car il n’y a pas encore d’étude sur les douleurs viscérales. Les explications en seraient une défaillance du système nerveux autonome avec réponses anormales ainsi qu’une possible diminution de la dimension cognitivo-émotionnelle (Pickering, 2009). Par ailleurs, certaines douleurs sont moins fréquentes (migraines par exemple) alors que d’autres localisations sont davantage impliquées : appareil locomoteur surtout.

1.3 l’aspect pathologique :

L’impression clinique est celle d’une diminution de la douleur chez les patients déments, surtout quand la maladie devient sévère ou très sévère. En témoignent les moindres prescriptions d’antalgiques chez ces patients. Un argument, classique mais discutable, est celui  d’une moindre expression de la douleur, donc de sa moindre prise en compte. Nous devrons attendre le développement des recherches pour mieux apprécier le retentissement des démences et de leurs différents types sur les douleurs (Scherder et al, 2005). Toutefois, nous savons déjà que les seuils de douleur ne sont pas affectés par les troubles cognitifs (Pickering, 2009). Ainsi, l’évaluation de la douleur doit devenir systématique, quelque soit l’état cognitif. 

2) une composante émotionnelle, autrement qualifiée d'affective ou encore d'affectivo-émotionnelle, susceptible d'entraîner l'anxiété et/ou la dépression,

Pour l'ANAES, (ANAES, 1999), "si la douleur occupe une place particulière parmi les perceptions, c'est du fait de sa composante affective particulière qui fait partie intégrante de l'expérience douloureuse et lui confère sa tonalité désagréable, agressive, pénible, difficilement supportable. Si la douleur intense impose un traitement symptomatique, c'est à cause de ce retentissement sur l'individu."

3) une composante cognitive : les expériences douloureuses antérieures influent sur l'expression de la douleur,

Pour l'ANAES, (ANAES, 1999), "le terme cognitif désigne un ensemble de processus mentaux susceptibles d'influencer une perception (ici la douleur) et les réactions comportementales qu'elle détermine : processus d'attention et de diversion de l'attention, interprétations et valeurs attribuées à la douleur, anticipations, références à des expériences douloureuses antérieures personnelles ou observées, décisions sur le comportement à adopter."

4) une composante comportementale : ce que le patient dit de sa douleur ou encore ce qu'il en exprime de manière non verbale.

Pour l'ANAES, (ANAES, 1999), "la composante comportementale englobe l'ensemble des manifestations verbales et non verbales observables chez la personne qui souffre (plaintes, mimiques, postures antalgiques, impossibilité de maintenir un comportement normal, etc.). Ces manifestations peuvent apparaître comme réactionnelles à une douleur perçue. Elles constituent des indices reflétant l'importance du problème de douleur. Elles assurent aussi une fonction de communication avec l'entourage. Les apprentissages antérieurs, fonction de l'environnement familial et ethnoculturel, de standards sociaux liés à l'âge et même au sexe, sont susceptibles de modifier la réaction actuelle d'un individu."

B. Par leur mécanisme

1. excès de nociception :

Cet excès est engendré par la stimulation des récepteurs (capteurs de la douleur, fibres nociceptives), par exemple localisés aux articulations des genoux et des hanches (douleurs somatiques), au niveau de la musculature striée (spasmes musculaires), ou bien encore au niveau des viscères : distension, torsion, faux besoins.

Ces douleurs peuvent être différenciées en inflammatoires et mécaniques.

2. neuropathiques :

Leur origine réside dans une atteinte périphérique ou centrale du système nerveux.

Elles étaient aussi qualifiées de douleurs par désafférentation, terme actuellement abandonné. Elles se traduisent par des dysesthésies, des paresthésies spontanées ou provoquées dans des territoires nerveux. Elles peuvent se manifester de façon permanente ou en éclair. On consultera l'outil DN4 pour en connaître les principaux symptômes. On pourra aussi se reporter à l'outil LANSS.

Ces douleurs sont-elles sous-estimées chez la personne âgée ? L'étude chez le rat par une lésion du ganglion rachidien postérieur le laisserait penser (Ramer MS et al, 1998).

Résultats d’une étude israélienne (Yutz Katz et al, 2016):
Cohorte de 371 patients : 300 (81%) avec maladie de Parkinson et 71 (19%) avec syndrome Parkinson plus. La douleur est présente chez 277 patients (74 %) souffrant d’affections telles que la maladie de Parkinson ou les syndromes Parkinson plus. La prévalence des douleurs était plus grande chez les malades de Parkinson que chez les Parkinson plus (80% vs. 50%, P<0.001) et plus élevée dans les synucleinopathies que dans le tauopathies (70% vs. 40%; P<0.001). Dans les synucleinopathies, la douleur la plus commune est centrale (32%) alors qu’elle n’est que de 4 % dans les tauopathies. Les médications spécifiques de la maladie de Parkinson ont soulagé la douleur des patients souffrant de cette affection dans 21 % des cas. Seulement 114 patients (48%) douloureux ont été traités par des antalgiques. Les plus utiles étaient les AINS et le cannabis.


3. mixtes (par excès de nociception et neuropathiques)


4. par atteinte du système neurovégétatif

Une intrication entre le système nerveux sensitif et le système neurovégétatif est actuellement soupçonnée dans la genèse de pathologies telles que les syndromes régionaux douloureux complexes de type 1 et de type 2 (Wong et al, 1997).

Un facteur de croissance nerveuse (NGF : nerve growth factor) jouerait un rôle dans l'établissement de connexions entre les deux systèmes (Devor et al, 1994).


5. psychogènes :  leur diagnostic ne doit pas être posé seulement par défaut, mais devrait être argumenté de façon positive. Pour Navez (Navez et al. 2004), il s'agit classiquement de « douleurs sans lésions apparentes. » Toutefois, selon cet auteur, la véritable définition d'une douleur psychogène pourrait être un « abaissement du seuil nociceptif lié à des désordres thymiques. » Une autre approche, citée par Navez, évoque un « passé traumatique ancien » qui modifierait la sensibilité du système limbique en cas de douleurs. Le risque serait d'aboutir à la conclusion suivante déclarée ainsi en ces termes au patient : « vous n'avez rien. »

En matière de douleurs chez la personne âgée, il est souvent difficile de distinguer :

- d’une part la fréquente dépression dite masquée avec plaintes douloureuses somatiques, d’autre part les conséquences dépressives d’une douleur d’origine organique.

- d’un côté des troubles anxieux, voire hypocondriaques, de l’autre une pathologie organique parfois noyée dans la multitude des plaintes.

J’ai déjà eu l’occasion d’écrire que la pratique clinique m’a amené à remettre en cause la notion de douleur psychogène. En effet, les points d’appel douloureux ne manquent pas chez la personne âgée en soins de longue durée et nul n’est besoin d’en avancer de nouveaux. De plus, il me semble qu’une telle étiquette fait courir le risque d’une analyse superficielle de la souffrance toujours globale, à la fois somatique et psychique.


C. Par leur durée et par leur résistance au traitement

Voir le tableau à l'adresse dans ce site : comparaison douleur aiguë-douleur chronique

1. douleurs aigues

Leur traitement précoce, multidisciplinaire semble un facteur essentiel de prévention du passage à la chronicité.

2. douleurs chroniques

Les douleurs chroniques sont définies :

2.1) soit par leur durée : classiquement supérieure à trois ou six mois. Pour sa part, dans la littérature, la douleur post-opératoire est récemment considérée comme chronique pour une durée supérieure à deux mois (Grosu et al. 2011, Clarke et al. 2012).

2.2) soit par leur capacité à résister à la thérapeutique.

D. Par leurs caractéristiques dans le temps

1. douleurs incidentes

Elles apparaissent de manière intermittente. Elles peuvent être provoquées par les mouvements du patient, ou encore par les soins. Dans ce dernier cas, elles sont alors qualifiées de iatrogènes.

2. douleurs continues

Elles constituent un bruit de fond douloureux permanent et spontané.

Références :

ANAES. Évaluation et suivi de la douleur chronique chez l’adulte en médecine ambulatoire. Service des Recommandations et Références Professionnelles / Février 1999. 

Capriz Ribière F. Douleur et démence. Rapport PACA Nice. Forum Alzheimer. Stade sévère. Paris 27 Mars 1999.

Clarke H, Bonin RP, Orser BA, Englesakis M, Wijeysundera DN, Katz J. The prevention of chronic postsurgical pain using gabapentin and pregabalin: a combined systematic review and meta-analysis. Anesth Analg. 2012 Aug;115(2):428-42.

Cole LJ, Farrell MJ, Gibson SJ, Egan GF. Age-related differences in pain sensitivity and regional brain activity evoked by noxious pressure. Neurobiol Aging. 2010 Mar;31(3):494-503.

Devor M, Jänig W, Michaelis M. Modulation of activity in dorsal root ganglions by sympathetic activation in nerve-injured rats. J. Neurophysiol., 71, 1994, 38-47.

Grosu I, de Kock M. New concepts in acute pain management: strategies to prevent chronic postsurgical pain, opioid-induced hyperalgesia, and outcome measures. Anesthesiol Clin. 2011 Jun;29(2):311-27.

Pickering G. Epidémiologie et modifications de la douleur au cours du vieillissement.  Journée thématique douleur de la SFETD. Douleur et Gériatrie. La douleur chez la personne âgée. 9 octobre 2009, Paris.

Ramer MS, Bisby MA. Normal and injury-induced sympathetic innervation of rat dorsal root ganglia increases with age, J Comp Neurol, 394(1):38-47 1998 Apr 27

Scherder E, Oosterman J, Swaab D, Herr K, Ooms M, Ribbe M, Segeant J, Pickering G, Benedetti F. Recent developments in pain in dementia. British Medical Journal. 2005;26:330:461–464.

Wong GY, Wilson PR. Classification of complex regional syndromes. New concepts. Hand Clin 1997 Aug;13(3):319-25.


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