mise à jour le 20 septembre 2003 (2ème version)

Canicule en France en août 2003

Une analyse personnelle décalée

Au cours du mois d'août 2003, la France a connu une vague de chaleur sans précédent par sa durée et son intensité. Une pollution chimique a aggravé ce phénomène.

Une catastrophe sanitaire en a résulté : la mort en grand nombre de personnes âgées fragiles, souffrant de polypathologie éventuellement compliquée de dépendance pour les actes de la vie quotidienne. Environ la moitié des personnes décédées vivaient à domicile, le plus souvent par choix.

La morbidité et la mortalité sont dues à plusieurs raisons :

- le coup de chaleur classique,

- la décompensation de pathologies sous-jacentes incluant le rôle joué par les médicaments,

- la pollution atmosphérique, au moins par l'ozone troposphérique.

Du fait de la rapidité du retentissement neuro-psychique sous l'effet de la chaleur dans cette population, le facteur cognitif a certainement joué un rôle insoupçonné dans la gravité de la situation chez des personnes souvent démentes mais non diagnostiquées comme telles.

De plus, la symptomatologie, ici comme ailleurs chez les vieillards, est torpide : les personnes âgées se plaignent rarement de la chaleur tout en présentant un affaiblissement physique et mental.  

Une confusion conceptuelle a souvent fait évoquer indifféremment la fièvre, l'hyperthermie et la déshydratation.

Je voudrais maintenant faire quelques constats.

Même avec un système d'alerte perfectionné, l'agressivité de la vague de chaleur aurait probablement occasionné un grand nombre de morts si l'on s'était contenté d'améliorer ce dispositif.

L'impréparation à une telle catastrophe a été totale, ce qui a été honnêtement reconnu.

Le maintien à domicile de personnes fragiles ne témoigne pas seulement d'une négligence ou de l'indifférence, au moins si l'on excepte celles qui sont demeurées chez elles par contrainte financière. Il s'agit surtout d'une attitude collective de respect de la volonté des intéressés : une certaine liberté au prix d'une certaine sécurité.

Une quête du sens s'est immédiatement déclenchée, avant toute analyse sérieuse, dominée par la recherche de coupables. La droite et la gauche réciproquement, les politiques contre les administratifs, contre les vacances, la réduction du temps de travail (RTT), les 35 heures, puis contre les familles, la mise en scène d'une cérémonie solennelle et collective d'enterrement, puis la mise en cause des médecins de ville, etc ...

Encore plus démonstratif : un double mouvement, d'une part de protestation contre l'indigence du secteur des personnes âgées, d'autre part des communiqués de presse triomphants d'autosatisfaction pour dire que les décès sont survenus ... chez les autres.

A mon avis, il convient de situer ces polémiques dans les ancestrales volontés de trouver des boucs émissaires.

Une confusion s'est faite jour entre la souffrance quotidienne du secteur sanitaire des personnes âgées et des Urgences d'une part et leur l'incapacité à faire face à une catastrophe d'autre part.

Un précédent bien documenté avait pourtant eu lieu en juillet 1995 à Chicago. Les leçons mûrement tirées de cet épisode valent pour l'essentiel pour les autres vagues de chaleur.

Qu'en déduire dans les grandes lignes ?

L'absence d'air conditionné est le facteur de loin le plus important dans la mortalité. Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que la chaleur environnementale ne peut se combattre correctement que par le rafraîchissement environnemental. Comment imaginer brumiser et ventiler le corps entier des personnes âgées toutes les demi-heures, et ceci jour et nuit ?

Cet air conditionné doit être accessible de deux manières : à domicile pour les particuliers qui en bénéficient et dans des lieux collectifs pour ceux qui n'en ont pas chez eux.

Il convient de développer une politique incitative dans ce domaine par deux moyens essentiels : la dotation des structures d'hébergement en climatisation et des incitations financières pour les particuliers. Par ailleurs, une architecture adéquate ne sera plus oubliée.

Quand la catastrophe se déclenche, annoncée par un système d'alerte malgré tout efficient, il convient de disposer d'un plan adapté incluant la liste, longue et très mouvante des personnes âgées isolées à domicile.

Mais aussi celle des moyens humains et matériels de secours, ainsi que celle des bénévoles qui sauront alors se rendre utiles, encadrés par des professionnels, pour accompagner et prendre en charge les personnes mises à l'abri de la chaleur.

Imaginons a contrario une vague de froid sans chauffage individuel ou collectif, avec seulement quelques recommandations de boissons chaudes, de vêtements chauds et d'exercice physique.

Il conviendra aussi d'affiner les recherches en matière de pollution environnementale pour adapter l'alerte et les mesures de prévention dans ce domaine.

Voyons aussi en quoi un tel plan pourrait être utile d'un part lors d'une catastrophe d'un autre type et par ailleurs pour améliorer le quotidien.

Je voudrais insister sur ce dernier point car chacun essaie actuellement de bénéficier à juste titre d'une amélioration globale : Urgences, filières gériatriques, soins à domicile, etc...

Par exemple, les insuffisances criantes en moyens humains auprès des personnes âgées ne datent pas de l'épisode récent de canicule. Il n'est pas malsain de s'en apercevoir maintenant.

Pourtant, ces revendications, aussi justifiées soient-elles, n'ont souvent qu'un lointain rapport avec le récent désastre et son traitement.


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