mise en ligne le 27 juin 2002
mise à jour le 10 août 2014
Colloque mou pour une disparition rampante...
Le
colloque du lundi 24 juin 2002 à Paris (Sénat), qui
réunissait environ 300 personnes, a permis de mettre sur la
table les problèmes liés à la suppression des
Soins de Longue Durée en France. Il s'agit là du point
le plus positif de cette rencontre en dehors de sa
multidisciplinarité effective.
Malheureusement, il n'a pas dégagé le consensus indispensable d'opposition forte à la réforme.
Il a fait l'impasse sur les aspects historiques qui ont conduit à l'existence et au développement des Soins de Longue Durée (SLD) en France. En effet, il est frappant de constater que les définitions respectives des services de Soins de Longue Durée et celle des sections de cure médicale des maisons de retraite sont très proches au point d'être difficiles à distinguer. Pourtant, entre 1986 et 1996, le nombre de lits de Soins de Longue Durée a augmenté de 35%. Ce succès est apparu si inquiétant qu'il faudrait maintenant supprimer purement et simplement ces services indisciplinés qui ont eu le mauvais goût de croître lorsque le nombre de lits d'hôpital se rétrécissait comme une peau de chagrin.
Ainsi,
la définition des services de SLD est-elle d'abord réelle,
concrète, pragmatique. Contre toute évidence, alors que
le GIR Moyen Pondéré (GMP) et le Pathos Moyen Pondéré
( PMP) de ces services sont manifestement plus élevés
que celui des autres structures d'hébergement, d'aucuns
prétendent que les personnes hébergées sont
identiques. Il est difficile de partager l'opinion de
Brunetière (Brunetière, 2001) selon laquelle "les
maisons de retraite communes...hébergent des résidents
atteints de dépendances et de pathologies aussi lourdes que
celles qu'on traite dans les services de soins de longue durée".
L'auteur, présent lors du colloque du 24 juin 2002, avait
toutefois la prudence d'ajouter : "seul leur nombre, ou leur
proportion parmi l'ensemble des résidents de l'établissement
diffère, parfois beaucoup, parfois peu. Il suffit de quelques
visites pour s'en convaincre."
A noter toutefois que le "père
de cette réforme" a annoncé sa mutation qui devait
survenir en juillet 2002.
Le colloque du 24 juin 2002 a aussi soulevé le problème des personnes âgées de moins de 60 ans qui pourraient bénéficier de "soins prolongés". Pourtant, dans ce domaine aussi, il est impossible de savoir si les soins de longue durée seront reconvertis ou même simplement aidés pour accueillir ces situations à la fois minoritaires et dramatiques. Madame Geneviève Laroque a eu le grand mérite de préciser que l'association d'une volonté soignante et de moyens adéquats consacrés à ces malades résoudrait ce problème, y compris dans la configuration actuelle.
Les
Unités de Soins de Longue Durée (USLD) ont été
bien décrites comme des services de dernier recours,
littéralement dessinés par les capacités
d'amont, offrant des visages variés comparables ici à
la Psychogériatrie, plus loin à la cure médicale,
ailleurs aux services de Soins de Suite et de Réadaptation
(SSR), et même à des services de gériatrie
aiguë.
Par ailleurs, ces services peuvent jouer aussi le rôle
d'une unité de soins palliatifs gériatriques.
Supprimer cette souplesse aurait des conséquences dramatiques.
La question des hôpitaux locaux a été abordée du fait du risque de déclassement de nombre de ces structures actuellement sanitaires grâce à la présence d'une USLD en leur sein.
Les propositions du Syndicat National de Gérontologie Clinique (SNGC) reposant initialement sur l'hospitalo-requérance demeurent à mon sens les plus pertinentes, le médecin demeurant le meilleur juge pour l'orientation adéquate des personnes âgées dépendantes et malades. D'autres propositions semblent irréalistes, telle que celle de 52 maladies rares qui ne concerneraient que 3000 des 83000 résidents hébergés en USLD. Le danger de la création de nouveaux services autonomes de soins prolongés a été souligné, en particulier sous l'angle d'une nouvelle fragmentation. Mieux vaudrait créer des unités "adossées" à un service de SLD ou à un service de Réadaptation.
Le colloque n'a pas su évoquer les expériences étrangères dans le domaine des prises en charge au long cours (par exemple les "Long-Term Care Facilities" aux USA). Pourtant, il est évident que ces problèmes se sont posés partout, au moins dans l'ensemble du monde développé.
Les raisons profondes de la volonté de suppression des SSLD ne sont toujours pas claires : raisons financières, déni collectif rejoignant les dénis individuels, voire raisons politiques avec l'augmentation récente progressive du secteur lucratif des maisons de retraite. C'est ainsi que la part du secteur privé commercial dans l’ensemble des maisons de retraite a triplé en dix ans, passant de 6% en 1986 à 18% en 1996 (SESI, informations rapides n°102, septembre 1998).
En
conclusion, le problème reste entier : faut-il supprimer
les SSLD en France ?
Les autorités sanitaires le souhaitent
et encouragent la transformation des SSLD en Etablissements pour
Personnes Agées Dépendantes (EHPAD) à la faveur
de la signature des conventions tripartites.
Références
:
Brunetière JR. Que voulons-nous faire ? Prospective des Etablissements d'Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes. La Revue de Gériatrie, Tome 26, supplément C au N°10 de décembre 2001, pp C5-C12.
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