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mise à jour le 2 octobre 2009

maltraitance en institution

Avertissement : cette page est évolutive car ce sujet est un véritable océan inexploré, malgré les progrès récents de la prise de conscience dans ce domaine. En France, l'association ALMA contribue largement à faire émerger l'importance de ce problème.

J'invite mes lecteurs à donner leur avis et/ou leurs témoignages.

 

"Le courage, c'est d'aller à l'idéal et de comprendre le réel". Jean Jaurès.

Introduction

Quelles sont les diverses formes possibles que peut revêtir la maltraitance dans une institution hébergeant des personnes âgées ?

En parler, les écrire, les dénoncer, c'est notre contribution en vue de leur éradication.

Nous présentons ci dessous un texte évolutif issu de nos réflexions. Toute critique serait la bienvenue.

Enfin, nous affichons des liens vers des sites traitant de ce sujet.

Nous voulons d'abord parler de la difficulté du sujet. Les définitions posent un premier problème : où sont les limites de la maltraitance ? Les termes de maltraitance, violence, inconvenance, inconduite, impolitesse, erreurs professionnelles, défaut d'éducation, incompétence, défaut de moyens humains et financiers, ne sont pas équivalents. Pourtant, il est crucial de distinguer ces notions, afin de ne pas les confondre : toute confusion peut aboutir à une relativisation, la maltraitance étant alors noyée dans l'univers des insuffisances quotidiennes.

I. Définitions

A) Les diverses institutions françaises hébergeant des personnes âgées peuvent ainsi être distinguées :

- les logements-foyers,

- les maisons de retraite,

- les services de soins  de longue durée,

- accessoirement en 2001 : les centres d'hébergement temporaire.

Pour plus de détails, se reporter à l'adresse suivante : FMC280201

B) Quelques définitions issues de Encyclopedia Universalis (CD version 6)

 

maltraitance

1. fait de brutaliser, de faire subir des sévices

2. faire un mauvais usage (maltraiter une langue)

3. critiquer, malmener en paroles une personne

violence

1. force brutale

2. caractère emporté, agressif

3. véhémence, force brutale d'un sentiment, d'un phénomène naturel

4. contrainte

inconvenance

1. caractère de ce qui n'est pas convenant

2. action ou parole contraire aux convenances

inconduite

mauvaise conduite morale

impolitesse

1. manque de politesse

2. acte, parole sans politesse

erreur

1. acte de l'esprit qui tient pour vrai ce qui est faux, et inversement

2. l'état qui en résulte (être dans l'erreur)

3. fait de se tromper

4. faute commise en se trompant

5. opinion fausse, contrevérité (l'erreur la plus répandue)

éducation

1. fait de former et d'instruire quelqu'un ; l'ensemble des moyens utilisés pour cette action (éducation professionnelle, éducation physique)

2. savoir et ensemble des acquisitions morales d'une personne

3. développement d'une faculté, d'un sens, ou d'un organe à l'aide d'une méthode ou d'exercices appropriés (l'éducation de la mémoire, l'éducation des réflexes)

4. connaissance et pratique des bons usages d'une société (avoir de l'éducation)

incompétence

1. manque de formation ou de connaissances dans l'exercice d'une fonction

2. inaptitude d'une instance juridique à juger

C) Nous proposons la définition provisoire suivante dans ce contexte :

La violence est le fait des personnes qui profitent de la vulnérabilité d'un être humain pour s'opposer à sa volonté et lui faire perdre ses droits fondamentaux et sa dignité.

II. Qui sont les acteurs potentiels de cette violence ?

A) Le personnel soignant, toutes catégories confondues

Le personnel est d'autant plus enclin à des attitudes limites que :

* son recrutement est :

- rarement volontaire,

- nommé selon la méthode du "volontariat désigné",

- effectué sans méthodologie d'embauche, sans profil d'embauche, sans expérience exigée ou souhaitée, sans stage d'essai,

- le recrutement se fait au niveau de l'administration, sans l'avis du chef de service et de l'équipe de terrain.

* sa qualification est :

- insuffisante,

- sans formation ni préparation,

- sans formation psychologique,

- avec une formation autodidacte sur le tas.

* il se sent dévalorisé :

- sans reconnaissance,

- avec un salaire inadéquat et des catégories effectuant les mêmes tâches pour des rémunérations différentes,

- si son expérience est ignorée,

- si le potentiel des soignants n'est pas utilisé,

- si ses initiatives rencontrent  une opposition systématique ,

- s'il ne bénéficie d'aucun appui ou suivi psychologique ,

- si les réunions d'information sont irrégulières, avec une participation occasionnelle du personnel.

- si la citoyenneté démocratique s'arrête à la porte de l'entreprise, sous couvert de devoir de réserve et autres considérations destinées à éteindre toute velléité critique.

* il se sent peu soutenu, par exemple si :

- les remplacements sont aléatoires,

- les remplacements d'été sont inappropriés (aucune qualification ni expérience n'est exigée de remplaçants souvent trop jeunes).

*si la mutation vers un autre service réclame un coup d'éclat de sa part car elle ne peut pas s'effectuer de manière harmonieuse.

* l'équipe, entité fondamentale du travail auprès des personnes âgées, peut jouer le rôle de l'éteignoir si elle a décidé d'appliquer la loi du silence. Sous prétexte de ne pas cafarder, de ne pas pratiquer la délation, de ne pas "se mettre les autres à dos", la politique des trois singes peut être appliquée : ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire. "Je ne vois pas le mal", "je n’entends pas le mal", "je ne dis pas de mal".

B) La direction , l'administration ou les responsables médicaux et paramédicaux de l'établissement d'hébergement peuvent participer, surtout indirectement, à la maltraitance :

C) Les parents et les visiteurs des résidents

La pression sur le résident peut s'exercer au niveau financier, le plus souvent pour lui faire signer la vente de ses biens.

Ainsi, la venue de visiteurs inconnus, généralement bien vêtus et porteurs de documents ou d'un serviette, doit éveiller l'attention.

Le silence de la famille sur ces transactions est habituel. La justification en est toujours la même : le résident "appartient" à sa famille et doit se conformer à ses désirs dans son propre intérêt, par exemple en vendant sa maison, même s'il est en désaccord avec cette mesure, même s'il est dans l'incapacité cognitive d'assumer une telle transaction.

Il  appartient aux soignants de vérifier l'aptitude de la personne âgée à comprendre ce qui lui est demandé. Mais il convient aussi de s'assurer de l'accord de l'intéressé pour la transaction en cours. Dans ce domaine, le médecin porte une lourde responsabilité, car il est à la fois soucieux d'accueillir les familles et de protéger le résident. S'il voulait se protéger lui-même, il demanderait systématiquement, une protection juridique, ce qui ne manquerait pas d'éloigner certaines familles.

D) Les bénévoles

Le bénévolat est une immense et prometteuse source de richesse relationnelle. Toutefois, l'intrusion dans la vie privée comporte rarement des risques d'abus, tels qu'ils peuvent être constatés au domicile du fait des intervenants. Nous n'avons encore jamais constaté un tel dérapage. Toutefois, une attention particulière doit être portée à la liberté de pratique religieuse. Les soignants devront participer à l'établissement d'une liste de personnes souhaitant aller à la messe. Cette attitude n'est pas dans la tradition des soignants. Elle est pourtant indispensable pour éviter une participation forcée à l'office par méconnaissance des désirs de la personne. En effet, une personne âgée fragile est souvent incapable de s'exprimer en quelques secondes sur une requête pour l'amener à la messe.

E) Les résidents entre eux

Des problèmes de cohabitation peuvent apparaître si un voisin de chambre ou un corésident est :

- agressif physiquement ou verbalement,

- délirant,

- agité,

- fugueur,

- dérangeant.

III. QUAND S'EXERCE CETTE VIOLENCE ?

- 24 heures sur 24

- 7 jours sur 7

- elle s'atténue parfois mais est toujours présente.

IV. QUI SONT LES VICTIMES DE CETTE VIOLENCE ?

Toujours les plus vulnérables ou les plus faibles. Une attention particulière doit se porter sur ceux qui ne peuvent pas s'exprimer verbalement, et donc ne peuvent pas rapporter ce qui a été commis.

V. FORMES DE VIOLENCE

A) Dévalorisation de la personne

- surnoms,

- tutoiement imposé, en particulier en cas de déficit cognitif,

- remarques sur les visites,

- culpabilisation dans la vie sexuelle, en particulier par rapport à la masturbation,

- indiscrétions,

- ridiculisation,

- non respect de l'intimité, de la pudeur. Un exemple est donné par le fait de pratiquer la toilette d'un résident alors que la porte de sa chambre et restée ouverte.

B) Abus de pouvoir

1. Lors des gestes quotidiens

- forcer le résident à agir trop rapidement dans tous les gestes quotidiens,

2. Dans la gestion des chambres

- changer le résident de chambre sans consultation préalable ou avec une préparation insuffisante,

- séparer le résident de sa famille car son profil de dépendance ne correspond pas à celui de l'institution où se trouve son conjoint ou sa conjointe.

- séparer le résident de sa famille quand un soignant est membre de sa famille : la mutation de principe du soignant, même interne, est une atteinte au résident. Il en serait ainsi si le résident était jugé indésirable par les soignants car il est membre de la famille de la direction d'établissement. L'accusation injustifiée de favoritisme est pire que sa réalité.

- imposer contre la volonté du résident la présence dans la même chambre d'une personne :

* confuse, agitée, bruyante,

* nécessitant des soins importants

* en fin de vie, surtout quand cette situation se répète...

* porteuse d'une infection à germe multi-résistant nécessitant des mesures importantes d'hygiène

Cette situation de gestion autoritaire des chambres est aggravée par :

* les tarifs différentiels appliqués entre les chambres à deux lits et les chambres individuelles. Si les chambres ont des tarifs différents, le remplissage se fait uniquement sur des critères financiers et non sur des critères humains de cohabitation.

* le remplissage coûte que coûte de l'institution qui aboutit souvent à l'impossibilité d'une gestion humaine des chambres.

C) Rudoiement, menace, chantage

"Si tu ne te tais pas, je vais t'étrangler !"

D) Vol d'argent ou de biens personnels

Comment qualifier autrement que de maltraitance le vol délibéré, au détriment d'une personne aphasique et grabataire, du cadeau de Noël provenant de son époux ?

E) Mauvais traitements physiques

1) Alimentation :

- inappropriée,

- absorption trop rapide des repas,

- mauvaise installation pour le repas,

- régimes imposés,

- non respect des goûts de chacun,

- dénaturation des aliments en mélangeant les médicaments,

- subtilisation de nourriture sur les plateaux des patients avant le service ou pendant le repas (certains aliments ne sont pas donnés).

2) Soins médicaux :

- prescriptions médicales non exécutées ou avec retard,

- violation du secret professionnel,

- médication sauvage, en particulier de sédatifs ou d'hypnotiques.

- fautes conscientes d'asepsie.

- soins incorrects, hygiène superficielle,

- mauvaise utilisation ou perte de prothèse, refus d'utilisation par le soignant,

- entretien incorrect des prothèses :

* lunettes

* appareil auditif

* appareil dentaire.

3) Contention physique, psychologique, architecturale ou pharmacologique n'obéissant pas aux recommandations en vigueur car :

- imposée,

- non justifiée, donc abusive,

- sauvage,

- punitive,

- jamais remise en question.

4) Blessures infligées délibérément (physique et/ou morale) :

a) Verbales :

- insultes,

- railleries.

b) Physiques :

- coups,

- gifles,

- pincements,

- serrements discrets.

5) Blessures par ongles longs ou bagues

F) Violation des droits et des libertés

- non respect du désir de la personne lorsque sa volonté peut être raisonnablement honorée,

- interdiction, suppression ou gène dans l'utilisation des moyens de communication :

* téléphone

* télévision

* radio

* courrier non distribué ou entreposé dans un tiroir sans être ouvert.

* isolement volontaire aux fins de répression.

G) Mauvaises conditions de l'environnement

- chauffage inadéquat, insuffisant,

- aération inadéquate,

- mauvaises odeurs malgré appareillage, dues au défaut d'entretien des locaux

- matériels inadaptés, insuffisants, détériorés (literie, linge de lit, fauteuils, chaises roulantes, matelas fatigués ...).

H) Violences spirituelles

- non respect des croyances de chacun,

- imposer ou guider directement ou indirectement vers une religion,

- racolage, tentative d'endoctrinement par des sectes,

- ne plus assurer la défense et la protection des patients,

- vols sous couvert de dons.

Conclusion

La longue marche contre la maltraitance a commencé et s'est accélérée à la fin du vingtième siècle en France. Pourtant, ce combat quotidien, multiforme, collectif et individuel est très loin d'être terminé. Il demandera un courage constant, allant parfois au sacrifice de ses avantages ou acquis. Ceux d'entre nous qui ont atteint l'âge de la maturité portent une grande responsabilité s'ils se taisent. Je compte sur le lecteur pour participer, même anonymement, à cette évolution lente et douloureuse vers plus d'humanité.


Des sites indispensables :

Docteur Lucien Mias

Monsieur Yves Gineste : Le mémoire complet : Sévices en institution pour personnes âgées: "le silence des soignants".

L'association ALMA : Allô Maltraitance Personnes Agées


Ecrire à l'auteur du site : Bernard Pradines

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