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mise en ligne le 8 février 2002

A propos des vols dans les services hébergeant des personnes âgées

Introduction : cet exposé reprend les interventions de soignants expérimentés qui ont échangé leurs opinions au sujet des vols sur "Gerialist" au cours du mois de janvier 2002. Cette page est évolutive . Son but est d'aider les résidents, leurs familles et les équipes soignantes à s'organiser face à ce fléau chronique qui vient ajouter des pertes à ceux qui en ont déjà tant.

Marguerite Mérette le 24 janvier 2002 : merette@mediom.qc.ca

1- Pour permettre aux personnes de disposer d'argent de poche sans se le faire voler, et sans se faire exploiter, nous gardons sous clef des enveloppes au nom du chaque personne. Elles sont situées dans l'armoire des médicaments contrôlés. Une feuille spéciale a été créée pour y inscrire les retraits et dépôts, où figurent les initiales de l'infirmière qui devient "caissière" pour les besoins de la cause. Les résidents nous demandent ce service quand ils veulent en disposer. Les familles s'informent s'il reste assez d'argent pour assurer une éventuelle suppléance. Nous utilisons cette méthode pour les personnes les plus vulnérables ou pour celles qui veulent conserver temporairement une trop grande quantité d'argent liquide.

2- Certains résidents doivent être accompagnés pour fumer dans des lieux adéquats. Sinon, ils fumeraient dans leur chambre, ce qui est interdit à cause des normes de sécurité incendie. Leurs cigarettes sont rangées à un endroit spécial et identifiées au nom de chaque personne. De même, les familles s'informent du solde de la réserve.

3- Cas moins habituel : une cliente devant être hospitalisée pour une chirurgie élective a demandé que nous trouvions le moyen de fermer sa chambre à clé pendant son absence. Elle possède en effet des disques compacts et un lecteur de CD.

4- Certains résidents disposent d'un coffre ou d'un petit meuble dont une composante ferme à clef. Leur problème est de ne pas perdre la clef... tout en ne la laissant pas à la portée de tous. Il est tellement difficile d'avoir quelque intimité. Cacher une clef n'est pas chose facile.

Malgré ces précautions, des clients se plaignent régulièrement de disparition d'argent. Parmi eux, certains le retrouvent peu de temps après la plainte. D'autres jamais, et l'événement peut se répéter, de même que la plainte verbale du résident. Quand cela se produit, tout le personnel est mal à l'aise parce que tous se sentent soupçonnés. Tous doivent alors chercher de la lingerie dans le tiroir, mettre des vêtements au lavage, etc...

Il est très difficile de prendre les auteurs en défaut. Les plaintes formelles sont souvent omises, à cause des limites de leurs résultats positifs et à cause du climat dans lequel elles plongeraient tout le secteur.

5- Quand j'ai été témoin de tels événements, où tout le personnel craignait d'être accusé, j'ai proposé à l'infirmière gestionnaire qui était mon supérieur immédiat de remplir un constat d'incident-accident. Je me disais que si un jour quelqu'un voulait entreprendre des procédures juridiques, la description des faits et des témoignages, sans jugement aucun, serait consignée quelque part.

Je me suis souvent posé la question, quand la personne plaignante est considérée comme apte à décider, pourquoi il ne serait jamais question de faire une plainte à la police comme on le ferait dans nos maisons. L'enquête ne doit pas revenir aux soignants ni à leurs supérieurs immédiats, car ils en sont incapables premièrement et qu'ils n'ont aucun mandat pour une telle initiative. Alors pourquoi le personnel et la direction qui reçoivent l'expression du résident qui se croit victime de vol se substitueraient-ils aux mécanismes habituels prévus pour ces situations ?

Enfin, d'autres objets sont parfois volés, tel un savon de prix reçu en cadeau par un résident, ou encore un parfum.

Je me suis aussi posée la question éthique suivante : quand des résidents souffrant de troubles cognitifs sont invités à une vente de produits d'artisanat réalisés par les membres du personnel qui prend soin d'eux, que penser de la validité de leur achat ? Je ne crains pas le vol, dans ce cas-là, mais peut-être des situations favorables à l'exploitation. Bien sûr, si on nie le risque et la réalité de ce phénomène, ma question est considérée comme une lubie et un outrage au personnel !

Philippe Crone le 24 janvier 2002 : coppocro@club-internet.fr

Chez nous, plus de vol depuis au moins trois ans. La solution ? Un magasin ambulant et de nombreuses sorties. Le rapport ? Les résidents se servent de leur argent régulièrement, ils sont conscients de sa valeur, ils n'ont plus de grosses sommes puisqu'ils les dépensent. Auparavant, l'argent traînait négligemment dans les tiroirs et c'était bien tentant. Certains se promenaient avec plus de mille francs... pardon ... 152 Euros, sans en avoir l'utilité.

Nous avons créé une banque d'établissement (régie d'avance) qui nous permet aussi de rendre service aux personnes qui ne peuvent pas sortir, d'avoir un oeil sur les mouvements d'argent.

Philippe Eischen le 24 janvier 2002 : PEischen@ch-fernand-bezancon.fr

Voici les quelques moyens que nous utilisons pour éviter les vols :

Bien sûr, nous avons un système de caisse qui fonctionne un peu comme une banque pour ceux qui le veulent bien.

Mais nous constatons que, pour beaucoup de nos résidents, garder de l'argent avec eux est important.

Nous avons même découvert, à l'occasion d'un vol justement, qu'une personne (dépendante mais tout à fait capable de raisonner) avait lentement accumulé 2000 francs (304 Euros) qui étaient bien cachés pour nous, mais pas pour le voleur. En cherchant une explication à cette accumulation inhabituelle, nous nous sommes rendus compte que cette personne souhaitait donner cet argent aux enfants d'une amie pour leur anniversaire. Quant à la raison de cette utilisation d'une cachette au lieu de celle de la caisse, il nous a semblé qu'elle craignait qu'on lui refuse ce type d'usage de son argent et que ,de toutes façons, elle aurait alors dû s'en justifier. Il est en effet probable qu'elle aurait eu à subir ce genre de remarque et les différentes démarches de demande à la hiérarchie ou avis préalable de l'équipe (pas de famille). Enfin toutes choses qu'elle ne souhaitait pas voir entrer dans sa vie privée.

Depuis, nous acceptons cette réalité et nous proposons de mettre l'argent dans le placard qui ferme à clef et la clef autour du cou. Seule la surveillante possède le passe des placards.

Quant aux achats en interne, à l'association ou lors de l'animation (muguet, artisanat...) nous nous posons les mêmes questions éthiques que Marguerite mais nous avons choisi le laxisme en estimant que tout le monde a droit à des achats, quels qu'ils soient. Lors de sorties pour effectuer des achats, certains résidents achètent des fleurs qu'ils offrent ensuite au personnel. Même question éthique, mais finalement si ça fait plaisir à tout le monde!!! Et nous-mêmes, sommes-nous toujours raisonnables dans nos achats et avons-nous le droit d'exiger une gestion administrative et utilitaire de personnes déjà si dépendantes de nous ?

Nous faisons intervenir la gendarmerie à chaque fois que la personne volée le souhaite. Nous avons de bons rapports avec les gendarmes qui comprennent parfaitement l'importance, pour nos résidents, d'une déclaration formelle.

 Franck Gresse le 24 janvier 2002 : FRANCK.GRESSE@wanadoo.fr

Marguerite écrit :

"Pour permettre aux personnes de disposer d'argent de poche sans se le faire voler, et sans se faire exploiter, nous gardons sous clef des enveloppes au nom du chaque personne. Elles sont situées dans l'armoire des médicaments contrôlés." 

Chez nous cette pratique a été expressément interdite par la direction et a été remplacée par un dépôt chez l'agent du trésor public.

Il fut un temps ou les " surveillantes" géraient les "ristournes" des personnes dites vulnérables et avec cette manne  achetaient  de quoi fêter les anniversaires, Noël (jolis cadeaux), la fête des mères ou des pères, un repas amélioré pour certaines fêtes, des glaces en été, etc... Mais la gestion de certains fut jugée peu orthodoxe d'où la décision évoquée ci-dessus.

La personne devant être "chez nous - chez elle", il parait difficile de lui demander ce qu' elle compte faire de son pécule alors qu' elle est en " DROIT" de l' utiliser selon son bon vouloir.

Le seul problème est de lui faire prendre conscience des risques de vol qu' elle encourt.

POUR LES PLUS VULNERABLES, IL EXISTE LES TUTELLES AVEC TOUTES LES CATEGORIES DE TUTEURS.

 

Eric Loorius le 25 janvier 2002 : loorius@netinfo.fr

Le soupçon se porte tout de suite sur le personnel. Un fait divers récent illustre cet aspect.

Dans une école élémentaire un enseignant a constaté la disparition d'une somme d'argent (300 francs il me semble).

Le soupçon s'est tout de suite porté sur les enfants alors qu'il ne fallait pas exclure la responsabilité de l'extérieur et du personnel. Pourtant, les "enseignants" (à ces gens là je suis obligé de mettre des guillemets) ont décidé à cinq de mettre la pression sur les enfants. Aucun enfant ne s'est dénoncé. Aussi ont-ils décidés de les déshabiller !

Les enfants se sont retrouvés en slip (certains ont du le baisser) et l'argent n'a pas été retrouvé. Ce qui est scandaleux dans cette histoire, outre que des enseignants se prennent pour des flics, c'est le traitement humiliant et concerté subi par ces enfants (du primaire rappelons le !).

A mon sens et pour revenir aux établissements pour personnes âgées, jamais et en aucune façon les membres du personnel ne doivent se prêter à ces parodies "d'un justicier dans la ville". Cela veut dire : pas d'interrogatoire, pas d'enquête, pas de fouilles des chambres (lieux privés) et des résidents (respect de la personne et de la présomption d'innocence), que le personnel soit mandaté ou pas. Ce "mandat" n'a aucune valeur et est contraire à ma morale.

Pour ma part, si j'y travaillais, je refuserais !

Les établissements pour personnes âgées sont des lieux de vie, il paraît, ce qui implique un passage permanent : passage du personnel, de prestataires, de visiteurs et parfois intrusion de personnes n'ayant aucun rapport avec le lieu qu'on appelle un lieu de vie.

Si ce n'était pas le cas il faudrait les renommer "Centre pénitentiaire". 

Je ne vois pas cela comme de la maltraitance, je pense que ce n'est que de la petite délinquance (certes aggravée s'il s'agit d'un membre de l'équipe de l'établissement pour personnes âgées), un larcin.

Marguerite Mérette le  25janvier 2002 : merette@mediom.qc.ca

Pour que la démarche soit constructive, il ne faudrait pas, par exemple, présumer que quelqu'un a vu une autre personne voler puis est restée sans réagir. Ce serait ajouter là une nouvelle dimension au témoignage que j'ai apporté, la plus grande difficulté étant que le coupable est souvent seul dans la chambre ou bien avec un résident incapable de témoigner ou de réaliser ce qui se passe.

Je ne voudrais pas niveler la maltraitance à un vol de savon et accorder la même importance qu'à d'autres maltraitances. De là l'importance d'accompagner les exemples de définitions, par exemple de l'atteinte à l'intégrité de la personne, dans chaque cas en particulier.

Or, dans les lectures que je fais présentement, il y a un élément intéressant: que faire à la suite d'une plainte, pour aider à changer les mentalités? Je pense surtout aux membres du personnel, qui en général, pour travailler dans ce domaine, est de bonne volonté et qui se sent mal reconnu et est souvent mal reconnu. Dans ce contexte, afficher tout à coup toutes sortes d'horreurs peut laisser croire, à cause de l'impossibilité de nuancer et à cause de l'extraction du contexte, à un blâme général ou un préjugé faisant des personnes hébergées en établissement des victimes à tout coup.

Donc, j'ai des réticences. Je ne sais pas si elles sont fondées. Afficher des textes dans vos établissements implique que vous en répondiez au personnel et aux visiteurs. Afficher un texte de nous sur votre site ne me permet pas nécessairement d'en répondre, quels autres textes l'entourent et le modulent, etc. Mais surtout, ne me permet pas de savoir à qui je m'adresse et dans quel contexte de vie tombe l'extrait qui vient de moi. Je ne voudrais pas que le souci de briser le silence se traduise en sous-entendu par une accusation générale qui brise tout sur son passage. Je ne prétends pas que ce serait le résultat mais je ne voudrais pas que ça le soit, même à un degré extrêmement faible. Pour vous donner un exemple, simplement la mesure qui consiste à garder sous clef des montants d'argent de poche pour les résidents. Il est positif que des listiers aient réagi en soulignant que cette mesure peut dans certains cas être discriminatoire. Il faut être sur place pour faire la part des choses.

J'aimerais mieux que nous trouvions les définitions de ce qu'est l'exploitation et que nous apprenions ensemble à former notre jugement à partir d'analyses de ce que nous constatons dans nos milieux respectifs. Je connais vos nobles intentions. Je ne suis pas sûre d'avoir raison. Mais présentement, au stade où j'en suis dans la réflexion face à ce problème, j'opte personnellement pour la prudence, dans le souci de ne rien briser chez des gens de bonne volonté. 

Pascale Dubreu le 26 janvier 2002 : PasqualeD@wanadoo.fr

Tous les personnels qui travaillent dans les maisons de retraite sont employés pour prendre soin de personnes âgées fréquemment en grandes difficultés, physique, psychique ou et souvent même les deux.

Dans ce cadre nous sommes donc tous là pour les protéger de toutes les agressions possibles de l'environnement, dont les vols.

Et oui lorsqu'il y a une disparition d'argent l'ambiance n'est pas au beau fixe!. Je ne veux pas parler de vol, je préfère parler de disparition. Selon moi nous ne pouvons parler de vol qui si nous avons trouvé la personne qui a pris l'objet dans l'intention de le prendre pour elle sans que personne ne le sache.) J'exclue ainsi les résidents qui prennent des objets sans intention de nuire.

Quelquefois dans mon institution, des familles, des résidents et des personnels signalent des disparitions d'argent. Je ne suis pas flic mais je suis cadre infirmier, payée pour encadrer une équipe soignante et gérer au mieux la prise en charge des 82 résidents accueillis dans la maison. Entre dans mes compétences de faire régner la paix.

Sans faire une enquête policière il me semble que c'est mon devoir de procéder à des vérifications quand on me signale qu'il y a eu une disparition d'argent ou d'objet. Je me pose les questions suivantes. Quand la disparition a t-elle eu lieu ? Comment allait le résident ce jour là ? D'autres disparitions d'argent ou d'objets ont-elles été signalées dans les jours qui précèdent ? Des visites inhabituelles ont-elles eu lieu dans la maison de retraite ? Quels étaient les personnels présents ?

Très souvent nous retrouvons les objets ou les quelques billets et pièces de monnaie disparus. Il n'y a pas eu vol.

Malheureusement, il arrive qu'il y ait vol. Alors, trouver le coupable me semble très important, pour la quiétude de nos résidents et des personnels.

A la Roseraie ,à mon arrivée, il y avait de multiples vols d'argent. J'ai été mise au courant de cette situation dés mon arrivée par le cadre infirmier que je remplaçais et par l'équipe soignante qui supportait très mal cet état de fait. L'équipe était persuadée qu'un membre du personnel était coupable. A force de vigilance et parce que le plus grand nombre des personnels souhaitait vivement que ces vols cessent ,nous avons trouvé la personne coupable. J'ai fait appel au directeur de l'établissement pour constater le vol.

A la Roseraie au moment de l'accueil des résidents, j'aborde cette notion de vol avec les résidents et leurs familles. Je leur dis qu'il n'y en pas eu dans la maison depuis plusieurs années. Je leur conseille néanmoins d'éviter d'apporter des objets de valeur ou de l'argent. Je garde, dans une enveloppe situé dans un tiroir fermé à clef des petites sommes d'argent "au cas où" : 200 francs au maximum, soit 30 Euros. Cela rassure les familles qui habitent loin. Toutes les chambres ont des clefs et je sollicite les résidents aptes à fermer leurs chambres pour qu'il le fassent en sortant.

Lorsqu'une personne est hospitalisée ou part en vacances, sa porte de chambre reste fermée à clef.

Francis Massey le 1er février 2002 : cite.st.joseph@wanadoo.fr

Dans notre établissement, maison de retraite de 84 lits, nous avons toujours pensé que les Aînés existent par l'argent et donc doivent en posséder ou pouvoir en disposer quand ils le désirent, en toute sécurité et en évitant d'avoir recours à de multiples intervenants. Pour ce faire, d'abord, tous les logements ferment à clé. Ensuite, nous avons transformé une étagère du placard de chaque logement en coffre, en bois certes, mais à ce jour aucun n'a été forcé ... Le problème est de ne pas perdre la clé... Effectivement le vrai problème est là. Un long cordon avec les clés que le résidant passe autour du cou et une boite à clés dans mon bureau où se trouvent tous les doubles de ces coffres ... J'ai pas trouvé mieux ... et il n'y a pas trop de problèmes. Chez nous, la forme de vol la plus fréquente et la moins maîtrisable réside dans la disparition de lingerie, de savon ou de parfum de qualité, de petits objets ou napperons trop beaux ... Que faire? Heureusement c'est rare car tout le monde est mal à l'aise quand ça arrive. 

Francis Massey le 6 février 2002 : cite.st.joseph@wanadoo.fr

Dans un précédent message, je vous ai parlé de la disparition, parfois, de lingerie fine, et de la suspicion qui s'installe envers tout le monde, les membres de l'équipe, les autres résidants, les familles, les visiteurs, tout autre intervenant extérieur ...

Il me revient une anecdote illustrant la prudence dont il faut faire preuve en matière de disparition ou de soit-disant vol.

Une résidante, très coquette, possédait une très belle garde-robe et non moins beau linge de corps.

Son fils m'informa un jour, gentiment, avoir remarqué des disparitions dans les superbes affaires de sa mère. Sur la demande de cette dernière, il l'amenait dans des magasins pour renouveler les effets manquant.

Cela a bien duré une année ... disparitions / achats de renouvellement ... sans élucider le problème jusqu'au jour où, tout à fait par hasard, un membre de l'équipe a surpris ladite dame, les ciseaux à la main, en train de découper une délicate combinaison en petits morceaux qu'elle faisait disparaître dans la cuvette du W-C.

Explication: la chère dame avait pris goût au lèche-vitrine avec son fils et aux promenades auxquelles le renouvellement de sa garde robe donnait lieu.

Je ne vous dis pas la surprise générale lors de cette découverte ...

Donc, prudence avant d'accuser précipitamment quelqu'un !

 


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