Dernière mise à jour le 21 février 2021

Expérience personnelle et recherches bibliographiques sur les douleurs chez la personne âgée en pratique gériatrique institutionnelle.

La bibliographie relative à cette page est incluse dans l'ordre alphabétique des auteurs à l'adresse suivante : bibliographie.

Quelles sont les particularités de la douleur chez la personne âgée ?


A. Le seuil de la douleur est-il modifié ?

1. est-il plus élevé ?

C'est l'impression laissée par l'aspect affadi, torpide, de certaines affections douloureuses. La dentition est souvent catastrophique, l'infarctus du myocarde n'est pas toujours douloureux et les pathologies abdominales aigues sont souvent peu expressives. Ces deux derniers constats sont contestés par Ferrel (Ferrel et al, 1996). Canto (Canto et al, 2000) trouve qu'un patient sur trois ne ressentait aucune douleur thoracique sur un grand échantillon de 434 877 malades souffrant d'un infarctus du myocarde lors de leur arrivée à l'hôpital. Cette situation créait une difficulté diagnostique supplémentaire qui pourrait bien participer au doublement de la mortalité dans le groupe "indolore". Les caractéristiques de ce groupe étaient les suivantes : âge supérieur de 7 ans au groupe avec douleur, davantage de femmes, de diabète sucré, ou encore d'insuffisance cardiaque préalable.

Intéressante étude de Granot (Granot et al, 2007) relative à la douleur thoracique au cours de l'infarctus du myocarde et surtout à son absence susceptible de retarder le diagnostic. Les auteurs israéliens étudient 92 patients, dont 67 avec douleurs et 27 sans douleurs thoraciques. L’intensité douloureuse était d'autant plus importante que le seuil de douleur était bas (évalué par stimulation thermique au niveau de l'avant-bras droit) et directement associée à la réponse aux stimuli thermiques. L'analyse de régression logistique a révélé que l'âge élevé et des scores bas de douleur lors d'un stimulus supraliminaire étaient associés à une plus grande prévalence des infarctus indolores. Ceci alors que les variables démographiques, l'histoire de la cardiopathie ischémique, les facteurs de risque de maladie coronaire, les modifications du segment ST et les niveaux de troponine étaient comparables.

2. est-il plus bas ?

On peut le penser au vu des proportions prises rapidement par la douleur, en particulier dans sa dimension psychique : anxiété, dépression, agitation, voire délire. Le fait de souffrir de localisations douloureuses multiples pourrait, en théorie, entraîner deux conséquences opposées : ou bien une sensibilisation à la douleur abaissant le seuil, ou bien des effets inhibiteurs descendants susceptibles de l'élever.

En 2003, Edwards (Edwards et al, 2003) publie une étude expérimentale des contrôles inhibiteurs diffus nociceptifs (CIDN) chez des volontaires jeunes et âgés. Bien que les résultats de cette étude ne  puissent pas  être immédiatement extrapolables à la clinique, il est frappant de constater que, collectivement, les CIDN semblent être amoindris chez les volontaires âgés par rapport aux sujets plus jeunes.

En novembre 2013, de nouveaux arguments expérimentaux en faveur d’une réduction de l’inhibition physiologique de la douleur avec l’âge sont publiés au Canada. Utilisant un agent physique et des tâches cognitives, Marouf (Marouf et al, 2013) met en évidence une moindre inhibition de la douleur chez des volontaires sains âgés de 18 à 46 ans par rapport à ceux qui sont âgés de 56 à 75 ans. Si ces résultats ne portent pas sur des personnes de plus de 75 ans, qu’il s’agit d’expériences et non de douleurs pathologiques, ils n’en renforcent pas moins la suspicion de déficit des systèmes inhibiteurs de la douleur avec l’avance en âge.

3. est-il distribué de façon complexe ?

Certaines constatations cliniques sont mal expliquées. Les patients souffrant de la maladie d'Alzheimer semblent rapporter davantage les douleurs aigues que les douleurs chroniques à retentissement affectif. La prévalence de certaines pathologies douloureuses semble moindre au grand âge :

- les lombo-sciatalgies sont moins fréquentes mais non les lombalgies,

- les migraines,

- les gastralgies (Laurent, 1998).

Pour Harkins (Harkins et al, 1986), il existe peu de différence dans la perception d'un stimulus thermique chez le vieillard par rapport à l'âge adulte.

Pour Walsh (Walsh et al, 1989), le sexe jouerait un rôle : bien que supportant mieux l'immersion d'un membre dans l'eau froide, les hommes seraient d'autant moins tolérants à ce stimulus en avançant en âge. Pour Cepeda (Cepeda et al, 2003), étudiant une population de 423 femmes et de 277 hommes à l'aide d'une échelle numérique, la consommation de morphine en phase post-opératoire est de 30% plus élevée chez les femmes que chez les hommes après ajustement pour l'âge et pour le type d'intervention.

Selon Scherder (Scherder et al, 2000), les atteintes limbiques présentes dans la maladie d'Alzheimer pourraient expliquer l'apparent déclin des affects douloureux observés. Cet auteur se fonde sur une étude par questionnaire ayant concerné 20 personnes non démentes, 20 au stade précoce et 20 au stade intermédiaire de la maladie. En 2001, Gibson (Gibson et al, 2001) étudie les potentiels évoqués d'une douleur expérimentale au laser CO2 chez des patients déments et non déments souffrant d'une maladie d'Alzheimer. Ces potentiels sont comparables, même si le traitement cortical de l'information semble ralenti.

En 2002, Pickering (Pickering, 2002) estime qu'il existe chez la personne âgée une diminution de la sensibilité à la douleur pour des stimuli de faible intensité. Par contre, il existerait une augmentation de sensibilité et une diminution de la tolérance à des stimuli de forte intensité. Cette situation va de pair avec l'augmentation de prévalence des douleurs rebelles, mais aussi avec une diminution de la plainte douloureuse.

Bradbeer (Bradbeer et al. 2003) fait état d'une étude réalisée auprès de mille personnes âgées non dépendantes. La prévalence de toutes les douleurs était de 56,3% dans les 12 mois précédents. Toutefois, en utilisant des critères restrictifs tels qu’une douleur qualifiée de modérée à sévère « au pire » et « à présent », les pourcentages trouvés étaient de 48,7% et 4,1% respectivement. Le fait de vivre seul était associé au caractère modéré à sévère de la douleur. Le fait d’être en situation de veuvage était corrélé avec la présence d’une douleur modérée à sévère au moment de l’interview. Cette prévalence était trois fois plus importante en cas de deuil récent. Les auteurs concluent que le veuvage aggrave la douleur en perturbant l’humeur chez les personnes âgées, ce qui renforce une approche fondée sur le modèle biopsychosocial.

4. Relations entre douleur, dépression et status cognitif

Dans une étude concernant 79 résidents d'un EHPAD (Houpeurt-Guibé C, 2005), l'auteure retrouve la relation classique entre douleur et dépression. Mais l'intensité de la douleur n'est pas liée à l'existence d'une dépression. Avec honnêteté, l'auteure constate que la prescription d'un traitement antidépresseur était indépendante de l'existence d'une dépression évaluable.

Cette étude met en évidence une relation attendue entre le score obtenu au MMSE et l'intensité de la douleur. Cela pourrait signifier une classique sous-estimation de la douleur chez les personnes ayant des troubles cognitifs. Au-delà des difficultés d'expression de la douleur, il est possible que la démence affecte l'expérience même de la douleur.

Commentaire de l'auteur de ce site : une autre hypothèse est possible, encore peu évoquée dans la littérature. Du fait de la grande prévalence des douleurs incidentes et intermittentes liées aux mobilisations provoquées et surtout spontanées, il est possible que l'immobilité soit à long terme relativement protectrice vis-à-vis de la douleur. En effet, les personnes qui souffrent de troubles cognitifs sévères souffrent aussi généralement d'une dépendance physique et mentale accrue et d'altérations fonctionnelles importantes (Auer, 1997).

Le 9 octobre 2009, Pickering (Pickering, 2009) fait état des travaux de Scherder. Selon Scherder (Scherder et al, 2003) les diverses démences n’affecteraient pas de manière équivalente les zones cérébrales impliquées dans la douleur.

Dans la maladie d’Alzheimer et encore plus dans la démence fronto-temporale, on pourrait observer une diminution des composantes affectives et motivationnelles alors que les démences vasculaires s’accompagneraient d’un accroissement de la composante affective.

Commentaires de l’auteur de ce site : l’analyse des diverses composantes des douleurs mises en relation avec les divers états démentiels représente une voie prometteuse dans la prise en charge quotidienne et dans les perspectives de recherche dans le domaine des modifications neuropathologiques impliquant les démences et les douleurs.

Des études récentes rendent compte de la perception de la douleur au cours des démences. Ces études utilisent d’une part l’exploration clinique et d’autre part l’imagerie cérébrale. Dans la maladie d’Alzheimer, des résultats paradoxaux ont été obtenus : les données psychologiques suggèrent une altération sélective de la dimension affective de la douleur alors que l’IRM fonctionnelle montre une augmentation du signal d’origine nociceptive. Carlino (Carlino et al, 2010) étudie la perception et la tolérance de la douleur au cours des démences fronto-temporales. Lors d’une stimulation électrique périphérique douloureuse, les seuils de perception de la douleur et celui de tolérance ont été étudiés sur des critères neuropsychologiques ou d’imagerie. Pour ce qui est des scores neuropsychologiques, ils traduisent une augmentation du seuil de perception de la douleur. L’imagerie retrouvant une hypoperfusion strictement frontale et/ou temporale se traduit quant à elle à la fois par une élévation des seuils de perception et de tolérance à la douleur.

Commentaires de l’auteur de ce site : l’évolution de la perception douloureuse au cours des démences est actuellement au début de son exploration et donc de sa compréhension. Il sera toutefois désormais difficile de se contenter de la seule difficulté d’expression verbale pour rendre compte du vécu douloureux des patients déments.

5. en résumé

On considère généralement, qu'il n'y a pas de différence notable entre la personne âgée et l'adulte dans l'intensité de la douleur ressentie. Plus particulièrement, l'idée d'un vieillissement bénéfique du système nociceptif est justement combattue car génératrice de sous-évaluation de la douleur. Et ce d'autant plus que l'on suspecte un déficit des contrôles inhibiteurs de la douleur avec l'avancée en âge. Pourtant, l'avenir devrait nous éclairer sur des disparités étonnantes encore mal expliquées. Une raison de ces énigmes pourrait être une participation génétique à l'équipement individuel en récepteurs µ. Si l'on en croit les équipes de la John Hopkins University de Baltimore et du National Institute on Drug Abuse, des lignées de souris diversement dotées en récepteurs µ par sélection génétique présenteraient des seuils différents de douleur. Bien que l'extrapolation à l'homme soit encore prématurée, les variations psychologiques pourraient ne pas être seules en cause dans les différences constatées chez nos patients.

B. L'expression de la douleur est-elle différente ?

La personne âgée, à l'instar de l'enfant, peut éprouver une difficulté plus importante que l'adulte à décrire la douleur.

La responsabilité principale de cette situation incombe :

- aux troubles sensoriels : surtout la presbyacousie et la cécité.

- aux troubles cognitifs, en particulier mnésiques, gnosiques et nosognosiques. Les résidents souffrant de troubles cognitifs recevraient moins d'analgésiques, à la fois en nombre et en posologie par rapport à ceux qui ne présentent pas cette symptomatologie (Horgas et al, 1998). La seule explication retenue en est la difficulté de la reconnaissance des symptômes par l'entourage.

- aux troubles moteurs : la dysarthrie et a fortiori l'aphasie rendent difficile la communication.

- aux troubles thymiques qui sont aussi en cause, et peut-être des processus inconnus.

La douleur peut être mal interprétée et confondue avec la souffrance, ou bien avec une gêne ou un inconfort. Cette éventualité est fréquente en soins palliatifs. Souvent, les conséquences fonctionnelles semblent seules préoccuper le patient et sa famille : "je ne peux plus marcher". La douleur est ainsi parfois confondue avec un trouble moteur. Question : "avez-vous mal au bras ?" Réponse : "je ne peux pas m'en servir".

L'interrogatoire patient et répétitif est indispensable, aussi bien de la personne âgée que de son entourage. Examinant les réactions non verbales de patients âgés fragiles, Hadjistavropoulos (Hadjistavropoulos et al, 2000) observe que les douleurs chez ces patients sont d'autant plus souvent identifiées que ceux-ci s'engagent dans une activité physique. Les réactions faciales varient en fonction du status cognitif. Parmi les indices non verbaux, les comportements de protection et de précaution semblaient particulièrement sensibles à la douleur. Le clignement des yeux serait diminué en fréquence. Les réactions faciales et les comportements de précaution (mouvement anormalement rigide, voire interrompu) seraient plus sensibles chez la personne âgée présentant des troubles cognitifs que chez celle qui en est dépourvue. Par ailleurs, les réactions faciales traduiraient plutôt un épisode douloureux en cours alors que les comportements de précaution seraient davantage les témoins de l'anxiété anticipatrice. Par ailleurs, l'auto-évaluation des patients cognitivement altérés ne semble pas traduire l'intensité de la symptomatologie non verbale observée lors d'un épisode douloureux. Il convient donc de pratiquer une double évaluation, à la fois auto et hétéroévaluation, au moindre doute.

En fait, la douleur globale (dénommée "total pain" par les anglo-saxons) est d'observation courante au grand âge, au même titre que l'anxiété généralisée contemporaine de tout événement stressant. Le sujet se retrouve devant la fréquente impossibilité d'isoler sa douleur somatique ou psychique, de l'empêcher d'envahir le champ psychique, d'autant que "la personne âgée n'a que cela à penser". Des allégations fréquentes sont : "soulagez-moi et tout ira bien !", ou bien "si seulement je n'avais pas cette douleur, tout irait bien !".
Les douleurs chez la personne âgée ne sont pas isolées mais surviennent souvent dans un contexte d'incapacités mentales et motrices rendant aléatoire la communication de la plainte. L'expression de la douleur est différente chez la personne âgée par rapport à l'adulte.

Les cris à eux-seuls représentent un défi. Ils ne doivent pas être mis par facilité sur le seul compte de la démence. Il convient de les analyser comme le suggère Jean-Marie Gomas, en particulier à l’aide de la grille DECLIC.

Une lassitude des soignants apparait souvent devant les plaintes répétitives et multiformes, devant la difficulté à obtenir un soulagement, devant les changements de plaintes lorsqu'un symptôme a été soulagé. La névrose hypocondriaque représente un exemple extrême de cette difficulté.


C. Ces douleurs sont souvent chroniques, persistantes, incidentes, souvent présentes lors des mouvements

Elles durent fréquemment depuis plus six mois, le plus souvent depuis des années. Elles résistent, au moins partiellement aux traitements. Elles ont un retentissement psychique constant. Elles ont une fâcheuse tendance à se réactiver lors d'une affection intercurrente, comme lors d'une pathologie aiguë somatique, en particulier à la faveur d'un syndrome infectieux. Il peut s'agir aussi d'un traumatisme psychique tel que l'entrée en institution.

Osterbrink (Osterbrink et al, 2012) étudie la douleur présente chez 436 résidents de plus de 65 ans dans 13 établissements à Münster en Allemagne.  

Au moment de l’interview, plus de la moitié des personnes interrogées déclaraient souffrir de douleur au repos ou aux mouvements.

Cet auteur retrouve que la douleur est modérée ou intolérable chez environ 25 % d’entre elles au repos et pour près de 45 % aux mouvements.

Commentaire : cette étude a le mérite de mettre en exergue un élément sous-évalué : la douleur aux mouvements. En soins de longue durée, cette situation est souvent présente alors que la douleur au repos est absente. D’où la difficile tâche de l’entourage soignant, inducteur involontaire de douleurs, en particulier lors des mobilisations passives.

 Les douleurs provoquées par les soins méritent à elles seules une page de ce site à l'adresse : http://geriatrie-albi.com/Douleuriatro.htm 

D. Ces douleurs sont souvent multiples

Il y a souvent plusieurs douleurs chez la même personne âgée (Ferrell 2005, Patel 2013).
Les localisations sont, en fréquence, d'abord ostéoarticulaires.


1. Les douleurs ostéoarticulaires

Elles seraient deux fois plus fréquentes après 60 ans : 1 patient sur 2 au lieu de 1 patient sur 4 avant cet âge d'après Crook (Crook J. et al, 1984).

Fréquemment, on retrouve plusieurs douleurs d'origine ostéoarticulaire :

1.1) les douleurs rachidiennes : lombalgies, cervicalgies, tassements vertébraux surtout chez la femme.

1.2) les rhumatismes articulaires extrarachidiens :

1.2.1- les rhumatismes dégénératifs : l'arthrose, en particulier la coxarthrose et la gonarthrose. L'évaluation d'une douleur liée à la gonarthrose se fera au mieux par l'échelle de Lesquesnes.

Pour Ferrell (Ferrell et al, 1995), les causes de douleur chez des patients âgés fragiles étaient le plus souvent d'origine musculosquelettique chez 325 résidents souffrant de détérioration intellectuelle légère à modérée (MMS moyen 12.1 +/- 7.9):

- douleurs articulaires : 70% des cas,

- fractures anciennes : 13 % des cas,

- neuropathie : 10 % des cas,

- pathologie maligne :  4% des cas,

- spasmes musculaires : 1% des cas,

- autres : 2% des cas,

- sans étiologie notée dans 37 % des cas.

Par ailleurs, cet auteur attire l'attention, dans cette population, sur :

- le fécalome,

- la rétention urinaire,

- une fracture méconnue,

- un abdomen chirurgical,

- une douleur osseuse métastatique,

- une neuropathie.

1.2.2 - les arthrites microcristallines :

a) la chondrocalcinose articulaire aiguë (CCA) en particulier du genou chez la femme.

b) la goutte

1.2.3 - les rhumatismes inflammatoires (Chaouat, 2000) :

a) la pseudo-polyarthrite rhizomélique (PPR)

b) la polyarthrite rhumatoïde (PR)

c) d'autres rhumatismes plus rares, tels que le RS3PE.

1.3)  les contusions, les entorses et les fractures consécutives à des chutes sans intervention chirurgicale : en particulier les tassements vertébraux et les fractures du bassin. Dans ce dernier cas, la préoccupation antalgique risque de se retrouver au deuxième plan, voire oubliée au profit de la recherche de l'étiologie de la chute, ainsi que des conséquences traumatiques et de la prévention du syndrome de l'après-chute. La douleur ne doit pas être perdue de vue, par exemple à la faveur d'un examen radiographique. Pour notre part, devant une suspicion de fracture post-traumatique, nous prévenons le service de Radiologie de la prochaine venue du patient dans un délai d'une heure. Ce délai est mis à profit pour mettre en route un traitement antalgique d'urgence. Par exemple, le patient recevra 1 gramme de paracétamol en perfusion intraveineuse sur 15 minutes en association avec une injection sous-cutanée de deux à cinq milligrammes de morphine (chez un patient vierge en morphine). Le décubitus est de règle. Cette attitude nous est dictée par l'inconfort du transport et de l'examen radiographique chez des résidents douloureux et souvent incapables de comprendre le sens de la procédure en cours.

1.4)  les douleurs postopératoires, surtout post-fracturaires en particulier les fractures du col fémoral, du poignet et du col de l’humérus.

1.5)  les rétractions tendineuses et les douleurs d'immobilisation des articulations chez le patient grabataire,

1.6)  la douleur de l'épaule et du membre supérieur du côté atteint chez l'hémiplégique,

Widar (Widar et al, 2002) étudient les douleurs de longue durée survenant chez les patients ayant été victimes d'un accident vasculaire cérébral.

Les douleurs étaient classées en trois catégories par les auteurs : douleur centrale (n = 15), douleur nociceptive (n = 18) et céphalée de tension (n = 10). Dans 65 % des cas, le début de la douleur se situait entre 1 à 6 mois après l'accident vasculaire cérébral. De nombreux qualificatifs de la douleur étaient communs, mais certains étaient spécifiques comme la sensation de brûlure dans la douleur centrale, la douleur à type de serrement dans la douleur nociceptive, ou encore à type de pression et de tonalité inquiétante dans la céphalée de tension. Plus de la moitié des personnes présentant une douleur centrale ou bien nociceptive souffraient de manière continuelle ou quasi constante. Les facteurs augmentant la douleur : le froid pour la douleur centrale, les mouvements physiques pour la douleur nociceptive, le stress et l'anxiété pour la céphalée. Les changements de position du corps étaient surtout douloureux chez les patients souffrant d'une douleur nociceptive. Le plus souvent, cette douleur était localisée au niveau de l'épaule hémiplégique, en particulier lors du soulèvement du malade. Les causes de l'épaule douloureuse dans ce contexte sont multiples. Parmi elles : la subluxation de l'articulation gléno-humérale, une déchirure de la coiffe des rotateurs, la spasticité musculaire ou les traumatismes des parties molles consécutifs à des manipulations inadéquates.

1.7)  les douleurs des membres inférieurs, multifactorielles, à fréquente participation ostéoarticulaire. Le canal lombaire étroit serait une pathologie sous-estimée (Alvarez et al, 1998).

1.8) Les douleurs au cours de la maladie de Parkinson :

"Elles surviennent à tous les stades de la maladie, secondaires à des fluctuations motrices ou sensitives, (dysesthésies, brûlures, douleurs pseudo radiculaires) ou a des problèmes articulaires ou périarticulaires. Elles sont améliorées par l’optimisation du traitement antiparkinsonien mais peuvent justifier, en cas de dystonies douloureuses du petit matin, d’une injection d’apomorphine voire d 'infiltrations de toxine botulique. Les douleurs articulaires justifient le recours aux antalgiques et aux anti-inflammatoires." (ANAES-Société Française de Neurologie, 2000)

2. Les douleurs vasculaires

2.1) les algoneurodystrophies, encore dénommées dystrophies sympathiques réflexes, sont récemment désignées sous les termes de "syndrome douloureux régional complexe de type 1" (Wong et al, 1997).

Existerait-il un lien entre syndrome douloureux régional complexe (SDRC) de type 1, communément appelé algoneurodystrophie ou algodystrophie, et la consommation d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IEC) ?

C’est ce que laisserait penser l’étude néerlandaise de de Mos (de Mos et al, 2009).

Dans 186 cas comparés à une série contrôle de 697 sujets, l’usage habituel d’un IEC était associé à une augmentation du risque de SDRC de type 1.

L’association était plus forte si l’IEC était utilisée sur une période plus longue et si la posologie était plus élevée. Aucun autre médicament antihypertenseur n’était ainsi associé à une augmentation du risque.

Les auteurs émettent l’hypothèse d’une influence des IEC sur les mécanismes neuro-inflammatoires sous-jacents au SDRC de type 1 par une interaction avec le catabolisme de la substance P et de la bradykinine.

Pour Kohr (Kohr et al, 2009), les preuves s’accumulent d’une responsabilité du système immunitaire dans le développement de ce syndrome. Cet auteur teste les sérums de 30 patients souffrant de cette pathologie (SRC), 30 volontaires sains et 20 souffrant d’une neuropathie. Des auto-anticorps dirigés contre les neurones impliqués dans le système neuro-végétatif ont été retrouvés chez 13 patients souffrant d’un SDRC, aucun chez les volontaires sains et un seul des patients souffrant de neuropathie. Cette étude, qui mérite d’être confirmée, pourrait avoir des conséquences thérapeutiques intéressantes dans le traitement toujours difficile des SDRC.

Voir aussi la page : SDRC.

2.2) la douleur coronarienne est probablement sous-estimée chez les déments car ces patients sont incapables de rapporter et de décrire leurs localisations douloureuses. Ainsi pourraient s'expliquer certaines "ischémies silencieuses". Pour Atho, l'association d'une douleur thoracique, même atypique, à une dyspnée ou à des modifications électrocardiographiques caractéristiques doit faire suspecter une cardiopathie ischémique (Ahto et al, 1998).

2.3) les crampes des membres inférieurs d'origine vasculaire, la claudication intermittente et les douleurs nocturnes dans le cadre de l'artériopathie des membres inférieurs.

2.4) les œdèmes douloureux.


3. Les douleurs cancéreuses

Un patient sur trois souffre de douleurs pendant la phase d'état, deux sur trois en phase avancée.


4. Les douleurs neurogènes

L'atteinte nerveuse et des mécanismes encore obscurs impliquant le système immunitaire seraient à l'œuvre dans ce type de douleurs.


4.1) les douleurs post-zostériennes sont plus fréquentes chez la personne âgée que chez l'adulte. Ces douleurs affligeraient 1 à 2% des patients âgés chaque année. Bowsher (Bowsher, 1999) fait état des résultats d'une étude rétrospective de la population âgée portant sur 1071 personnes d'âge médian 80 ans. Presque un quart, soit 23,8% des personnes avaient présenté un zona survenu à l'âge médian de 60 ans avec une répartition égale selon les sexes. Quinze pour cent des personnes atteintes avaient développé une douleur post-zostérienne définie comme une douleur durant plus de trois mois. Parmi les personnes douloureuses, deux sur trois étaient des femmes. Leur âge médian était de 70 ans. Il semble que deux nouveaux facteurs indépendants de risque puissent être envisagés : le fait d'être une femme et le fait de vivre de manière solitaire au moment de l'épisode de zona. L'âge plus avancé est un facteur favorisant bien connu. Par ailleurs, le fait de présenter une cicatrice, conséquence de la sévérité du rash, constituait un autre facteur de risque peu surprenant.

Parce que la prévention des douleurs post-zostériennes passe par un traitement précoce du zona par les médicaments antiviraux, Johnson (Johnson, 2002) recommande d'éduquer le public et tous les personnels de santé à la reconnaissance de cette affection dès son début.

D’après Ginieys (29èmes journées de la SFGG, Paris21-23 octobre 2008), les douleurs du zona sont d’emblée mixtes, avec une composante nociceptive et une composante neuropathique. Commentaire de l’auteur de ce site : un schéma séquentiel serait donc à remettre en question : douleur inflammatoire nociceptive suivie en 2 à 3 mois d’une douleur neuropathique.

4.2) la névralgie trigéminale, survient le plus souvent au troisième âge.

4.3) les neuropathies périphériques, surtout diabétiques (Sima AA et al,) ou éthyliques. Dans une étude concernant 55 patients souffrant de polynévrite, dont 37 avec une polynévrite douloureuse, Vrethem (Vrethem et al, 2002) distingue 19 patients diabétiques et 18 non diabétiques. Les polynévrites non douloureuses d'étiologies variées concernaient 18 patients.  L'objectif de l'étude était de comparer les patients douloureux et non douloureux. Les résultats montrent l'absence de différence significative dans les caractères et la durée de la douleur selon l'étiologie. Toutefois, la douleur est plus sévère chez les diabétiques par rapport aux patients souffrant d'une autre pathologie. Les paresthésies et les dysesthésies étaient présentes chez 32 patients douloureux sur 37, alors que cette prévalence n'était que de 7 sur 18 chez les patients non douloureux.  Les auteurs indiquent que la douleur neuropathique est toujours localisée au niveau des pieds et aussi, pour la plupart des patients, au niveau de la partie distale des membres inférieurs. Quelques patients éprouvaient aussi des douleurs au niveau des mains. La sensibilité tactile, mesurée par des tests quantitatifs, était plus affectée chez les patients douloureux. Par contre, la température, la perception de la douleur provoquée et la sensibilité vibratoire étaient affectées de manière comparable dans tous les groupes de malades.

4.4) Les causalgies, complications possibles d'une atteinte nerveuse périphérique, sont récemment dénommées "syndrome douloureux régional complexe de type 2" (Wong et al, 1997).

4.5) La variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob

En juin 2002, Macleod (Macleod et al, 2002) décrivent les symptômes précoces de la variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob chez les 50 premiers malades étudiés. Les signes du début sont marqués par une symptomatologie neurologique. Les signes neurologiques étaient dominés par des douleurs des membres dans 63% des cas. Généralement, les membres inférieurs étaient concernés, les douleurs étant mal localisées. D'autres symptômes étaient retrouvés : sensation de froid chez 25% des patients, dysesthésie chez 28%, paresthésie chez 31% et engourdissement chez 25%. Les symptômes étaient latéralisés chez 31% des malades. L'origine de ces troubles pourrait être centrale du fait d'une atteinte thalamique.
Pour Spencer (Spencer et al, 2002), une symptomatologie psychiatrique est associée aux troubles neurologiques dans 22% des 100 premiers cas étudiés.

5. Autres douleurs

5.1) les douleurs multifactorielles : exemples.

- Du côté atteint chez l'hémiplégique : articulaires, ligamentaires, tendineuses, musculaires, vasculaires, neuro-végétatives voire centrales (Widar et al, 2002).

5.2) les douleurs diffuses : fibromyalgies, psychogènes, "totales".

Pour MacBeth (MacBeth et al. 2003), les douleurs diffuses seraient nettement plus fréquentes chez des personnes qui connaîtraient ensuite une incidence accrue de cancers, en particulier du sein (RR = 3,67), de la prostate (RR = 3,46), du colon (RR = 2,35) et du poumon (RR = 2,04).

Parmi les douleurs diffuses, celles de la COVID-19 :

L’infection par le SARS-CoV-2 est susceptible de provoquer des douleurs aigues à types de myalgies, arthralgies, douleurs abdominales, céphalées et douleurs thoraciques (Kemp et al, 2020). Il reste à évaluer le risque de douleurs chroniques, potentiellement plus fréquentes chez les personnes âgées, après tout séjour en réanimation pour syndrome de détresse respiratoire aiguë. Des aspects spécifiques à la Covid-19 pourraient concerner des troubles neurologiques susceptibles d’entrainer des neuropathies, des effets indésirables neurogènes des médicaments tels qu’antiviraux et hydroxychloroquine, enfin les états de stress post-traumatiques accrus par la distanciation tout au long du parcours de soin et l’isolement vestimentaire des soignants.

Pour Song (Song et al, 2020) : pendant la quarantaine, les patients souffrant de douleur chronique ont été contraints de rester à la maison et de nombreux patients qui auraient dû bénéficier d’une consultation spécialisée ont choisi de demeurer à domicile par peur d'une infection au COVID-19. 

Maintenant que la quarantaine est levée dans de nombreuses régions de Chine, beaucoup hésitent encore à demander des soins de santé en présentiel. Nous devons envisager des stratégies pour encourager les personnes ayant des problèmes de santé à les prendre en considération, éventuellement grâce au recours à la télémédecine. Dans le même temps, les prestataires de soins doivent savoir que la douleur peut être liée à une infection au COVID-19 sous des présentations variées, soit comme un signe précoce d'infection, soit comme une séquelle d'infection et d'effets iatrogènes tels que l'alitement prolongé et le stress psychologique. 

Enfin, la douleur peut très bien être une manifestation d'un processus non lié au COVID-19. Nous devons nous préparer à voir davantage de patients qui ont contracté une infection au COVID-19 à la clinique de la douleur alors que l'épidémie a ralenti.

5.3) Les douleurs liées à la spasticité.

D'après Walton (Walton, 2003), il convient de considérer la spasticité incapacitante pour trois raisons :

- la spasticité peut causer des douleurs et aboutir à des déformations qui augmentent l'incapacité, réduisent la mobilité, aggravent la dépendance et rendent difficiles les soins d'hygiène,

- la spasticité peut augmenter le risque d'escarres,

- la spasticité liée aux fléchisseurs du coude et du genou peut compromettre la viabilité du pli du coude ou de la région poplitée, entraînant ainsi une spasticité supplémentaire.

5.4) les céphalées devant faire suspecter chez la personne âgée la maladie de Horton et la névralgie d'Arnold. Pour Biondi (Biondi et al, 2000), environ 10% des femmes et 5% des hommes de 70 ans présentent des céphalées sévères récurrentes ou constantes. Pour Henry (Henry, 2000), les données épidémiologiques montrent une diminution de la prévalence des céphalées avec l'âge :

- population adulte de moins de 65 ans : 30 %

- population adulte de plus de 65 ans : 5 %

- population adulte de plus de 70 ans : 11 % (Hale et al, 1987)

Pour Evans (Evans R.W., 2002), les céphalées sont moins fréquentes que chez l'adulte plus jeune mais leurs conséquences sont potentiellement plus graves.

Pour Bakouche, cité par Henry (Henry, 2000), la répartition des étiologies des céphalées pour 51 patients de plus de 65 ans était la suivante :

-migraines : 13

-algies vasculaires de la face : 3

-névralgies du V : 3

-céphalées psychiques (souvent qualifiées de "céphalées de tension" ou "tension headache") : 18

-céphalées de cause neurologique : 6

-céphalées post-traumatiques : 1

-causes cervicales : 1

-causes générales : 7

dont :

*Horton : 2

*post-zostériennes : 2

*HTA : 1

*iatrogènes : 2

Une céphalée sévère apparaissant pour la première fois après l'âge de 50 ans est inhabituelle et nécessite un examen médical et neurologique complet. Les étiologies des céphalées primaires chez la personne âgée incluent la migraine, la céphalée de tension, le cluster headache, et la rare "hypnic headache". Cette dernière entité, encore hypothétique quant à son étiologie, consiste en une céphalée de la personne âgée réveillant le malade, plus ou moins bilatérale, durant de 30 minutes à plusieurs heures suivant les auteurs (Edmeads, 1997) (Klimek et coll, 1999). Les étiologies secondaires incluent l'artérite temporale, les céphalées iatrogènes, l'ischémie cérébrale ou myocardique, ainsi que les hémorragies intracrâniennes et les tumeurs. Enfin, ces céphalées peuvent connaître une origine cervicale, ou encore être en lien avec un glaucome ou une apnée du sommeil.

Evans (Evans R.W., 2002) distingue les céphalées primaires et les céphalées secondaires.

Parmi les céphalées primaires de la personne âgée :

- la migraine qui, bien que plus rare que chez l'adulte, ne disparaît pas complétement au grand âge. Après l'âge de 70 ans, seulement 5% des femmes et 2% des hommes en souffrent. La céphalée n'est pas obligatoire, pouvant laisser place à un vertige ou à une aura visuelle isolée. Toutefois, la migraine avec aura est moins fréquente chez la personne âgée que chez l'adulte. Le traitement est rendu difficile par la plus grande fréquence des effets secondaires des médicaments : dihydroergotamine, triptans, antidépresseurs tricycliques, béta-bloqueurs.

Le diagnostic est parfois difficile avec les accidents ischémiques transitoires (AIT) dont la migraine se distingue par une apparition plus progressive des symptômes sensoriels et des paresthésies, une progression stéréotypée des symptômes lors de chaque crise, une plus longue durée (90% des AIT durent moins de 15 minutes), et la répétition des épisodes stéréotypés.

- la céphalée de tension dans le sens ango-saxon du terme

-le cluster headache (ou céphalée en grappe)

- la céphalée hypnique

Parmi les céphalées primaires :

- les cancers : pour Evans (Evans R.W., 2002), soixante-dix pour cent pour cent des malades atteints de tumeur cérébrale rapportent des céphalées. Ces céphalées sont habituellement bilatérales mais peuvent être unilatérales. Généralement, elles ont une allure comparable aux céphalées de tension, mais elles peuvent mimer la migraine ou une céphalée en grappe (cluster headache). L'examen neurologique peut être normal. Le diagnostic doit être évoqué si la céphalée est d'apparition progressive ou de début récent, ou bien si les céphalées sont associées à d'autres symptômes : expression convulsive, confusion, nausées et vomissements, hémiparésie ou d'autres signes focaux.

Le plus souvent, les tumeurs cérébrales sont métastatiques : 80 % des métastases surviennent chez des patients connus pour un cancer primitif. Parmi les cancers métastatiques, sont retrouvés : un cancer du poumon (64 %), un cancer du sein (14%), un mélanome (4 %), un cancer colorectal (3 %) ou un hypernéphrome (2 %). Chaque année, aux États-Unis, environ 18 000 tumeurs cérébrales primitives et 170 000 tumeurs cérébrales métastatiques sont diagnostiquées.

- les traumatismes crâniens

- les maladies cérébrovasculaires

- l'artérite temporale ou maladie de Horton

- la névralgie trigéminale

- la neuropathie post-zostérienne

L'exploration par neuroimagerie est dominée par l'IRM, sauf pour l'évaluation d'un traumatisme crânien aigu, en particulier pour éliminer un hématome sous dural.

Une céphalée inhabituelle peut être le prélude d’un accident vasculaire cérébral. Elle peut être liée à la dissection des artères extracrâniennes : artère carotide interne avec céphalées et douleurs du cou et du visage (Mattle et al. 2000), artère vertébrale avec une grande fréquence de douleurs cervicales ( Resende Campos et al. 2004).  Sources :

En fichier lié au format pdf :

Mattle et al. L’accident vasculaire cérébral. Groupe suisse de travail pour les maladies cérébro-vasculaires et Fondation suisse de cardiologie. Schweizerische Ärztezeitung / Bulletin des médecins suisses / Bollettino dei medici svizzeri •2000;81: Nr 32/33.

En fichier lié au format pdf :

Resende Campos Cynthia et al. DISSECÇÃO ESPONTÂNEA CERVICAL CAROTÍDEA E VERTEBRAL. Estudo de 48 pacientes. Arq Neuropsiquiatr 2004;62(2-B):492-498.

5.5) les escarres, les ulcères de jambes dont les ulcères artériels qui sont particulièrement douloureux, surtout au moment des soins,
5.6) certaines dermatoses,

5.7) la constipation, fréquente chez la personne âgée, serait une cause fréquente de douleurs lors de la défécation (Meiring et al, 1998)

5.8) la iatrogénie apporte son lot de douleurs : pansements de plaies traumatiques ou de pression, irritations médicamenteuses en particulier viscérales : il s'agit surtout de gastralgies.

5.9) les symptômes qui sont parfois qualifiés de "douleurs" : les termes de souffrance et de douleur sont souvent confondus. Pourtant, toutes les gênes (ou inconforts ou symptômes non douloureux) ne sont pas des douleurs : l'asthénie, la soif, fièvre, la dyspnée, la toux, le prurit, les nausées, les vomissements, la dysphagie, le hoquet, l'agitation, l'insomnie, la confusion, l'hypertension intracrânienne, l'anxiété, la dépression, sont sources de souffrance, même si elles ne répondent pas stricto sensu à la définition de la douleur. Inversement, une douleur peut augmenter des symptômes non douloureux tels qu'une anorexie ou une insomnie. L'angoisse et la douleur peuvent augmenter une dyspnée.

5.10) Les douleurs dentaires :

Lors d'une étude concernant 21 résidents déments d'âge moyen 88 ans, des dentistes ont considéré que 60 pour cent d'entre eux présentaient une condition dentaire potentiellement douloureuse. Seul un résident ne présentait aucun problème. Ces situations étaient largement sous-évaluées par les gériatres qui n'en suspectaient que moins de la moitié.
Les auteurs américains (Cohen-Mansfield et Lipson, juil-août 2002) proposent une formation complémentaire des non-dentistes, ainsi qu'un meilleur remboursement des soins dentaires.

E. Ces douleurs ont des conséquences

1. Conséquences générales

Les conséquences de ces douleurs, surtout quand elles sont durables, sont importantes : l'anxiété (Parmelee et al,), la dépression, la régression, l'isolement social, les troubles du sommeil et de l'appétit, les troubles de la marche et les chutes, la perte d'autonomie, le recours plus important et plus coûteux aux services de soins. La douleur est très vite responsable, chez la personne âgée, d'une limitation fonctionnelle et d'un handicap. Cette situation risque rapidement de devenir irréversible (Doubrère JF 1999). D'après Kareholt (Kareholt et al, 1998), il existe une corrélation positive, variable selon le sexe, entre la mortalité et les localisations douloureuses suivantes : céphalées, douleurs thoraciques, abdominales et rectales (chez l'homme) et celles des extrémités. Le suicide représente une forme extrême de ces conséquences (Mellick E et al, 1992). Le risque des effets secondaires des médicaments antalgiques, et surtout des substances analgésiques, est plus grand chez la personne âgée : plus grande sensibilité, polymédication, difficultés de communication des effets secondaires, épisodes intercurrents de déshydratation, de dénutrition.

L'étude française PAQUID amène des précisions sur les conséquences des douleurs chez les personnes âgées : les douleurs rachidiennes, dont se plaignent 21% des sujets, sont associées à une incapacité accrue pour les IADL comme faire les courses, assurer l'entretien de la maison, faire la lessive, prendre les moyens de transport mais aussi pour la toilette et l'habillage. Les douleurs articulaires sont associées à une limitation pour faire les courses et utiliser les moyens de transport et pour toutes les activités de l'échelle de Rosow. Toutefois la liaison disparaît si l'on ajuste sur les autres variables socio-démographiques et d'état de santé. Un mauvais état de santé perçu par les sujets lors de la constitution de la cohorte est corrélé au sexe féminin, à la symptomatologie dépressive, au score au MMS, aux douleurs articulaires, à la dyspnée et à l'existence de troubles visuels ou auditifs. Si l'on ajuste sur la dépendance, qui est très fortement liée à la santé subjective, la liaison avec le sexe et l'état cognitif disparaît. Ces résultats montrent que les femmes se disent en plus mauvaise santé essentiellement à cause de leur niveau de dépendance plus élevé.

Closs (Closs et al, 2008), de l'université de Leeds, étudie dans quelle mesure l'âge influence une moindre prise en charge de la douleur dans la maladie cancéreuse. Pour cela, cet auteur compare 58 patients âgés de 75 ans ou davantage et 32 de 60 ans ou moins. Des facteurs défavorables tels qu'une moindre connaissance des analgésiques, la réticence à communiquer avec l'équipe médicale, un statut fonctionnel moins performant et le fait de vivre seul suggèrent que les patients âgés nécessitent une assistance plus importante que les sujets jeunes quant au traitement médicamenteux de la douleur.

Tossato (Tosato et al, 2011) publie des résutats relatifs aux associations entre douleur et troubles psycho-comportementaux des démences d’après des données extraites de l’étude SHELTER menée dans 8 pays européens parmi 538 résidents souffrant de douleur (19,1 %).

Une association significative et positive a été retrouvée pour :

 Une association négative, de significativité limite, a été retrouvée entre la déambulation et la douleur.

Cette étude pose davantage de questions qu’elle amène de réponses. Elle a toutefois le mérite d’envisager les troubles du comportement en relation avec la douleur. L’approche classique était plutôt orientée, parmi les troubles psychiatriques, vers l’association entre troubles thymiques et douleur.

 2. La dyspnée

La dyspnée peut être une conséquence de la douleur. La douleur est génératrice de dyspnée du fait de l'anxiété. Mais les mouvements thoraciques peuvent aussi devenir douloureux du fait d'une inflammation pulmonaire ou pleurale, d'une atteinte inflammatoire ou traumatique des muscles et cartilages intercostaux. D'autres causes de douleurs peuvent entraîner une dyspnée : côtes fracturées ou cancéreuses, inflammation sous diaphragmatique telle que celle d'une cholécystite.

3. Diminution de la sensibilité à l'insuline

Pour Greisen (Greisen et al, 2001), les conclusions d'une étude menée chez dix volontaires sains suggèrent que la douleur aiguë diminue la sensibilité à l'insuline. En clinique, le soulagement de la douleur aiguë pourrait être important pour le maintien d'un métabolisme glucidique normal. Cette étude a par ailleurs montré, du fait de la douleur, une augmentation significative, de l'ordre d'un facteur multiplicatif de 2 à 3, du cortisol sérique, des acides gras libres sériques, ainsi que des concentrations circulantes de glucagon et d'hormone de croissance.

4. Chutes

Leveille (Leveille SG et al, 2009) établit une relation significative entre d’une part le nombre de sites articulaires douloureux, la sévérité de la douleur et les retentissements sur les actes de la vie quotidienne et d’autre part le risque de chute dans une population de 7449 personnes âgées de plus de 70 ans suivies de septembre 2005 à janvier 2008 en dehors des institutions. Commentaires de l’auteur de ce site : un facteur confondant pourrait être l’altération orthopédique de l’équilibre et de la marche chez ces patients douloureux. Admettons toutefois que la sommation de ces troubles avec la douleur puisse être inductrice d’un accroissement du risque de chute.

 


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