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Maltraitances collectives ou personnelles ?

mise en ligne le 9 mai 2004

dernière mise à jour le 14 juin 2004

Attention : il s'agit ici de la recherche d'un canevas de réflexion qui pourrait permettre, à la faveur de formations et dans le cas d'analyses de cas, de s'approcher des facteurs favorisants et non forcément déterminants des maltraitances. En aucun cas ces considérations ne doivent et peuvent être utilisées à des fins disciplinaires.

Introduction

La maltraitance des personnes âgées est un phénomène d'une grande complexité.

Il convient de l'analyser sous de nombreux angles pour mieux le comprendre.

Cette démarche est indispensable pour envisager des actions préventives efficaces.

La plus grande difficulté d'analyse est bien de définir la maltraitance. 

Un autre problème est d'en comprendre les responsabilités. Une confusion fréquente consiste à mélanger ce qui revient à l'individu et ce qui revient à la collectivité. Cette confusion est bien compréhensible du fait des liens étroits entre chacun et l'institution ainsi que la société dans laquelle il vit.  

Nous prenons ci-dessous l'exemple de la maltraitance subie par les personnes âgées du fait des professionnels qui en prennent soin en institution. En nous fondant sur deux enquêtes anonymes, sur notre expérience et sur le témoignage de colistiers de "Gérialist", nous essayons de préciser les facteurs respectifs.

Une telle distinction n'a pas pour but de dégager des culpabilités utilisables pour des sanctions. Cette démarche est déjà prévue, au moins en théorie, par la loi.

Comme toujours, l'auteur de ce site demeure entièrement ouvert à toute critique dans ce domaine. Cette page est évolutive.

Mises en garde

Les mises en gardes exposées ci-dessous proviennent surtout des échanges de points de vue rendus facilement possibles grâce à "Gérialist".

L'exercice proposé ici est souvent considéré comme une mission impossible, tant sont intriqués les facteurs individuels et collectifs. Autrement dit, il ne serait pas possible de dissocier les responsabilités collectives et individuelles.

Il serait alors plus utile de regarder la raison de ces maltraitances avant de se poser la question de la responsabilité de leur mise en oeuvre, donc en l'occurence de la culpabilité qui leur est inhérente.

Pourquoi ne pas exiger d'avoir appris la "bientraitance" à un accompagnant et donner les moyens à l'institution de mettre en place le nombre de postes nécessaires à cette bientraitance ?

"On ne peut accuser une personne de n'avoir pas agi comme il le faut que si cette personne a été instruite qu'elle devait agir de cette façon !"

Un auteur me fait remarquer qu'il conviendrait que le tableau comporte des éléments qui informent sur les circonstances qui rendent coupables une institution ou un individu et au nom de quel principe reconnu socialement ou professionnellement. Sinon, ce tableau ferait-il le risque d'être utilisé dans une "chasse aux sorcières".

Il ne serait donc pas possible de sortir les événements de leur contexte.

D'aucun  pointe la négligence comme cause essentielle. D'autres évoquent la notion de vulnérabilité et les rapports de domination.

La responsabilité de l'Etat et des collectivités territoriales a pu être citée.

Tableau

 

responsabilités collectives et/ou institutionnelles

responsabilités individuelles

remarques et propositions

Des temps différents

Coucher une personne âgée avec rudesse, ce qui engendre chez elle angoisse et peur.

+

+

 Manque d'effectifs et de formation à l'approche corporelle et à la manutention. Charte des personnels à écrire collectivement.

Non respect du rythme de la personne âgée par manque de personnel.

++

 +

Manque de formation au rythme de la personne âgée. Comment la revendication pour une amélioration quantitative des personnels est-elle envisagée au niveau collectif et individuel ? Dans quel but et sous quelle forme ? Ou bien cette question est-elle totalement ignorée par fatalisme ?

Une non prise en compte des besoins

Dire à la personne âgée de "faire dans sa couche" alors qu'elle demande le bassin ou aller sur les WC. Des protections sont mises sur personne continente.

+

+

 Manque de formation à l'estime de soi, ainsi qu'au vieillissement de la fonction urinaire. Manque de travail sur les valeurs : charte des personnels à écrire collectivement.

L'ostracisme

Refus de s'occuper de quelqu'un.

+

+

 

Mesquineries telles que ne pas servir systématiquement le pain pour faire payer un conflit ancien : le résident doit alors le demander poliment alors que les autres personnes âgées le reçoivent sans le demander.

++

+

 Désamorçage des situations conflictuelles entre soignants et résidents. Organiser des réunions de groupe à des fins de régulation.

Humiliation, manque de respect envers une personne soignée.

 +

++

 Jeux de rôles : faire vivre aux personnels les humiliations subies.

Attitudes verbales

Tutoiement.

 +

++

Le tutoiement peut être véritablement "institutionnalisé". Par ailleurs, il s'agit bien d'un sujet flou dans la mesure où le tutoiement n'est pas toujours une maltraitance. Le désir de la personne âgée tutoyée est ici déterminant.

Emploi d'un ton ferme et cassant.

 +

++

 Travail sur la communication.

Menaces de mort.

+

++

Voir l'item "violence physique".

Menaces de punition, chantage.

+

++

L'institution se doit de déclarer publiquement qu'il n'existe plus de punition en son sein.

Des attentes irréalistes

Stimulation à la marche non adaptée et trop intensive

+

+

A noter le rôle souvent nocif de la famille qui considère souvent la personne âgée comme un patient pouvant être rééduqué, à l'instar d'un jeune adulte ayant subi un traumatisme. Manque de formation et d'information des familles et des proches.

Agressions physiques

Violence physique.

+

+++

Ici se pose clairement la responsabilité des témoins et de leur protection. De même, l'institution devrait être responsable de la démarche prévue dans cette éventualité. Cette situation devrait être anticipée et non niée, c'est-à-dire considérée à tort comme impossible. Question de la responsabilité de l'encadrement. Nécessité d'une formation, mais aussi de la connaissance et de l'application des sanctions.

Insultes et gifles sur la personne âgée.

+

++

 Voir l'item "violence physique".

Gestes brusques, manipulations brutales : fauteuil, lit.

+

++

 La brusquerie est partiellement liée au manque de temps.

Autour du repas

Privation de repas car retard dans le travail de la journée.

++

+

 Si les intervenants ont travaillé sans interruption, il semble impossible de leur imputer la responsabilité du retard.

Alimentation forcée et/ou rythme rapide lors de la prise des repas.

++

+

 Nous sommes ici dans un débat éthique. La responsabilité des familles est aussi engagée. L'alimentation forcée n'est pas souvent considérée comme un acharnement thérapeutique.

Contraintes physiques

Contention non prescrite.

++

 +

 Voici un sujet en pleine évolution. La prescription de la contention repose en France sur des recommandations, et non sur une obligation légale. Les recommandations françaises (ANAES, 2000) concernent aussi les barrières de lit qui devraient être prescrites par le médecin. Nous sommes encore loin du compte en 2004 ...

Contrainte architecturale équivalente à une séquestration dans un couloir : fausse unité Alzheimer.

++

 

Des critères minimaux stricts devraient être édités dans ce domaine. A notre sens, les recommandations actuelles sont trop peu précises.

"Chosification" de la personne

Décider à la place de la personne âgée.

+

+

 Tous responsables car l'institutionnalisation en Soins de Longue Durée est déjà presque toujours en soi une contrainte et non un choix. Clarifier les notions d'autonomie et de dépendance.

Manque d'écoute.

+

++

 Item intéressant quant à sa signification réelle : le manque d'écoute est souvent assimilé au manque d'obéissance. Travail sur l'écoute active.

Le silence avec refus de toute communication avec la personne âgée.

 +

++

Le silence fait souvent plus de mal que les paroles les plus blessantes. Par ailleurs, il y en a même qui poussent l'hypocrisie et le mépris  jusqu'a une politesse obséquieuse.  

Ne pas prendre en compte la douleur de la personne âgée.

 +

 ++

 Il faut d'abord connaître les localisations douloureuses de la personne âgée. Le schéma corporel, bien visible, peut nous y aider.

Non respect de l'intimité de la personne âgée.

 +

++

 La disposition des lieux peut interdire l'intimité, par exemple quand la personne âgée est nue. Fermer la porte dans cette situation est une précaution qui revient aux intervenants.

Refus de la vie affective de la personne

Séparation des couples ou refus de voir se lier des idylles

++

+

 Dans ce domaine comme ailleurs, il n'est pas toujours aisé de trouver les textes des lois qui protègent les individus.

Au total, nécessité d'un effectif formé au départ puis en formation continue. Intérêt des groupes de parole.  Ces derniers ont pour objectifs la régulation, la compréhension et la gestion du risque.  Il convient aussi de déterminer un cadre de travail montrant distinctement les limites à ne pas franchir : c'est l'objet de la charte des personnels en gériatrie. Il convient aussi de mettre en œuvre une organisation du travail respectueuse des partenaires ou des membres du collectif.

Parmi les personnes qui ont critiqué ce travail, et lui ont donc permis de progresser :

Madame Annie Bardou

Madame Pascale Dubreu : pasquale.d@laposte.net

Monsieur Jean-Jacques Schwer

 Bibliographie

 ANAES, France, octobre 2000, adresse : http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/contention.pdf


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