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mise en ligne le 24 janvier 2004

mise à jour le 10 mai 2005

Confort respiratoire en fin de vie : notre expérience  

L'origine des inconforts

Les causes de l’hypersécrétion

Chez des personnes conscientes, il faut s'attaquer aux causes de l'hypersécrétion qui sont représentées par la quasi-totalité des désordres respiratoires.

Bien sûr, on ne s'adressera pas à une surcharge hydrosodée comme lors d'une infection respiratoire basse sans retentissement myocardique. Ainsi, les diurétiques et/ou les corticoïdes trouveront-ils leur place selon les situations. Parfois aussi certains antibiotiques.

Pour ce qui est des corticoïdes parentéraux, nous utilisons exclusivement dans ce contexte le SOLUMEDROL* (méthylprednisolone) par voie IV ou SC, le plus souvent à la dose de 40 mg toutes les 8 heures.

Pour ce qui est des diurétiques, nous utilisons exclusivement dans ce contexte le LASILIX* (furosémide) par voie IV ou SC à doses variables, souvent en titration.

L'hypoxie doit être corrigée avec un débit d'oxygène le plus faible possible pour demeurer confortable, bien que cette attitude soit discutée en toute fin de vie.  Les lunettes souples d'oxygène sont le dispositif le plus confortable. Le débit est au mieux fixé au minimum à l'aide d'un contrôle non invasif de la SaO2 (92% ?) et avant tout par le confort retrouvé par le patient.

La bronchoconstriction

La bronchoconstriction doit être recherchée : elle entraîne une attitude thérapeutique impliquant les bronchodilatateurs en spray, aérosols ou par voie générale. Il convient aussi de garder en permanence en mémoire que des râles sibilants peuvent être liés à une défaillance cardique gauche. Le traitement relève alors des diurétiques de l'anse. En pratique, dans ces situations, nous associons un bonchodilatateur en spray avec de la furosémide.

Nous évitons tous les aérosols susceptibles d'être irritants en n'utilisant en pratique que les solutions spécifiques pour aérosols de : VENTOLINE* (salbutamol), BRICANYL* (terbutaline), et avec davantage de réticence : ATROVENT* (ipratropium).

La polypnée

Pour lutter contre la polypnée, symptôme très fréquent en fin de vie, nous utilisons la morphine à la seringue électrique autopropulsée avec un bolus d'induction. Les doses sont variables selon les situations.

L’hydratation

Une hydratation trop généreuse, voire inutile, sera corrigée ou même interrompue.

Les moyens non médicamenteux

Les aspirations

L'aspiration est rare dans notre service.

Il faut éviter  les aspirations chez les personnes conscientes car elles ont des conséquences en terme d'inconforts : sensations pénibles et risque d'entretien de l'hypersécrétion par traumatismes répétés irritants et surinfections.

Si la cause de l'hypersécrétion persiste, l'aspiration ne sera pas à elle seule efficace. C'est ainsi que l'on peut voir se reconstituer le tableau initial au bout de 5 à 10 minutes.

Ceci ne veut pas dire que l'aspiration soit définitivement à condamner : elle est légitime si elle est effectuée de manière douce, lorsque tous les autres moyens échoué, ou bien en urgence devant une détresse respiratoire.

En service de réanimation, une pratique consiste à  laisser en place une fine sonde d'aspiration par voie nasale en position non irritante afin de pratiquer des aspirations itératives. Ainsi, il est possible de ne pas avoir à replacer la sonde qui est, semble-t-il, bien supportée.

Dans le service de soins de longue durée, nous n'avons pas utilisé cette technique.

Les positions

Le plus souvent, les personnes en fin de vie sont dans le coma, du plus léger au plus profond.

Il semble donc logique de les placer en position latérale de sécurité ou pour le moins en décubitus latéral ou encore réclinées avec un coussin faisant un angle minimal de 30° avec le plan du lit.

Cette position a plusieurs avantages :

- moindre inhalation des vomissements, régurgitations et sécrétions digestives,

- drainage du poumon non dépendant (en position opposée au plan du lit),

- moindre risque des escarres les plus fréquentes : sacrées et talonnières,

- confort meilleur pour le maintien de la tête en légère hyperextension sur le traversin afin d'éviter ou limiter l'obstruction pharyngée par la langue. Cette obstruction est à l'origine de bruits et d'encombrement, voire de vomissements évitables.

Cette position a aussi des inconvénients :

- risque d'escarres latéralisées si la fréquence des changements de position et le support ne sont pas adaptés,

- inconfort de certains patients qui ne supportent pas cette position, en particulier ceux qui souffrent d'une orthopnée liée à une insuffisance cardiaque au stade IV de la NYHA ou bien lors de troubles respiratoires aigus,

- il faut aussi envisager un aspect psychologique souvent inexprimé dans l'environnement soignant et familial du malade : la crainte de voir prolonger la vie indûment par des attitudes empruntées à l'urgence et à la réanimation.

L'erreur la plus courante dans ces situations : la position demi-assise en décubitus dorsal, sans traversin, en lieu et place du décubitus latéral alterné. La position demi-assise est inductrice, outre d'inhalations, d'escarres sacrées et talonnières.

Il me semble qu'une voie de réflexion pourrait être ... l'angoisse de la mort chez les vivants qui font adopter une position qui n'est pas identique à celle qui sera celle de la mort. Ainsi, la position demi-assise est la seule qui peut être maintenue chez un malade comateux dans un intermédiaire symbolique entre la vie et la mort. La position la plus "naturelle" serait alors inconsciemment et partiellement celle qui considère que le vivant n'est pas encore mort.

Pour ce qui est de la position latérale, il est souvent possible de la rendre confortable par un calage adapté. A noter aussi l'intérêt de faciliter la circulation sanguine dans le membre supérieur à l'aide d'un coussin placé sous le creux axillaire (entre la cage thoracique latérale et le plan du lit).

Des "petits" moyens :

L'utilisation de l'ouverture de la fenêtre et/ou de la porte à la demande du patient.

L'utilisation d'un ventilateur domestique.

Les moyens médicamenteux

La fusosémide (voir ci-dessus)

Les corticoïdes par voie générale (voir ci-dessus)

Les opioïdes par voie générale (voir ci-dessus)

Le midazolam (voir : http://geriatrie-albi.com/midazolam.html)

La scopolamine

La scopolamine était autrefois utilisée en prémédication anesthésique pour ses vertus atropiniques et sédatives. Elle a été abandonnée pour ses risques anticholinergiques (glaucome, rétention d'urine, constipation, troubles cardiaques, confusion...).

Du fait de ses propriétés sédatives, nous n'avons pas trop de retenue à l'utiliser dès que les personnes entrent dans le coma terminal.

Par contre, lorsque nous avons voulu l'utiliser à doses thérapeutiques chez des personnes conscientes. Les malades, en mydriase bilatérale, semblaient être confus, voire hallucinés et cherchaient du regard quelque chose dans la pièce, ce qui nous amenait à les sédater davantage.

Donc : il vaut donc mieux éviter la scopolamine chez les personnes encore conscientes du fait des sensations psychodysleptiques pénibles liées à l'effet anticholinergique.

Les doses utilisées varient de 1,5 mg à 3 mg par 24 heures par voie sous-cutanée par une seringue électrique autopropulsée. Le bolus du départ est de 0,25 mg par voie sous-cutanée.

Nous avons récemment essayé le SCOBUREN*  (scopolamine butylbromure) dans ces situations. Nous l'avons abandonné.

Les mucolytiques

Nous évitons d'utiliser les mucolytiques. La solution pour aérosols de MUCOMYST* (acétylcystéine) serait irritante.

La lidocaïne en aérosol

Nous n'avons aucune expérience de la XYLOCAINE* (lidocaïne) par aérosol pour les toux rebelles.

Les opioïdes en aérosol

Nous n’avons aucune expérience de cette technique qui semble réservée aux échecs des autres mesures.

L’aspect relationnel avec l’entourage familial

Il convient à mon avis de bien distinguer ce qui relève du confort du patient de celui de la famille et des soignants.

L'erreur relationnelle la plus courante : ne pas établir le distinguo auprès de la famille entre l’état de conscience et celui d’inconscience.

Ce dernier problème est un aspect crucial de la prise en charge.

Nous devons en effet tout d'abord procéder à une extrapolation de situations connues pour juger du confort respiratoire de notre patient.

Schématiquement, trois situations à expliquer à la famille du patient :

- le malade est d'évidence inconscient, plongé dans un coma profond. La probabilité d'un vécu pénible nous semble nulle.

- le malade est d'évidence conscient, en tous cas réactif : la pénibilité d'une respiration difficile est quasi-certaine. Peut-être suffit-il de l'interroger sur ce point ?

- enfin, la situation la plus difficile : le malade n'est pas plongé dans un coma profond. Il réagit à la stimulation tactile. Alors, il nous semble légitime, face à une situation potentielle d'inconfort, de l'amener à ne pas vivre péniblement ce moment, y compris par la sédation si les autres moyens ont échoué.

Dans tous les cas, la souffrance de la famille du patient est une grand souci lorsque l'inconfort respiratoire est réel ou même simplement supposé.

Remarque : une respiration lente ou bien avec des pauses, pourvu quelle soit perméable, sans bronchospasme ni encombrement, n'est jamais pénible.

Conclusion

Les difficultés respiratoires en fin de vie représentent en fréquence et en intensité, le principal problème rencontré en Soins de Longue Durée. Nous n'avons pas dit notre dernier mot. Nous souhaitons qu'il en soit de même pour notre lecteur.

Enfin, on pourra se rapporter au protocole proposé comme base de conduite à tenir dans notre service dans cette situation.


pour tout courrier : pour Bernard Pradines


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